mardi 29 avril 2008

Arras, 1er mai

José Ovejero et Kriss Vilà viendront signer Des vies parallèles et Sang Futur au 7e salon du livre d'expression populaire et de critique sociale d'Arras jeudi 1er mai. On peut télécharger la brochure sur le site de l'association Colères du présent.
Et il y aura du joli monde...

lundi 28 avril 2008

Morand punk

Kriss Vilà est un Morand punk. Il use de la métaphore comme d’une arme de précision et il réinvente une littérature sans oiseaux.
Morand, génération 17 :carnage mondial et révolution russe ;
Vilà, génération 77 : guerre froide et marchandisation universelle.
En 1977, en France, la sortie du gauchisme laisse un goût de cendre. Le temps est venu pour l’ardent travail du négatif : ce sera le néo-polar (Manchette, Fajardie) mais ce sera aussi le Punk. Le Punk comme dans un roman de Vilà.

Les filles ressemblent toutes à l’Agnès Soral de Tchao Pantin dans Sang Futur. Si elles pouvaient quitter l’Hinterland bétonné qui leur sert de décor, franchir le périph qui pulse comme une aorte asphaltée, elles retrouveraient sur les canapés de Libération, à l’aube, Pacadis défoncé, de retour d’un raout héroïnomaniaque.
Sang futur est écrit, disons, cinq ans avant que le sida fasse régner sur les corps la terreur que le néocapitalisme fait régner sur le travail. Sang futur a l’intuition de cette fraternité maudite qui va naître dans la nuit virale du nihilisme des eighties.
Vilà fait de son livre un concentré visionnaire, instable comme une nitroglycérine dosée par des schizophrènes et des hébéphrènes, des trente ans qui vont suivre : panique immunitaire, guerre civile larvée, pathologie ethnique et ambiguïté sexuelle, donc narrative..
Le pari de Vilà est gagné : Sang futur, c’est sang présent.
La figure outragée d’un monde qui s’en va.
Sang futur, c’est maintenant et pour toujours.

mardi 22 avril 2008

... et il n'est pas content (1)

Moisson rouge vous présente le premier épisode de son feuilleton de peur printanier, ... et il n'est pas content, par Jérôme Leroy.

L’éditrice raccrocha. Elle était pâle. Elle alluma une cigarette.
Elle passa dans le bureau d’à côté. L’éditeur était penché sur son écran d’ordinateur. Il essayait de déduire les chiffres de vente de Plutarque à Ostende, un polar belge écrit par un Espagnol et traduit pour la première fois en France. Il tapotait nerveusement sur le clavier et essayait de voir si les demandes de réassorts équilibraient les retours. Autrement dit, s’ils allaient survivre.
— Télémaque ? demanda l’éditrice.
— Oui, Lilith… répondit l’éditeur sans relever les yeux de l’écran
— Je crois qu’on a un problème…
— Tu m’étonnes : 5 retours et 3 sorties depuis ce matin. L’imprimeur qui menace de nous envoyer des huissiers. La comptable qui déprime. Les agessa en retard. Le dégât des eaux dans les toilettes et l’auteur de Plutarque à Ostende qui ne pourra pas aller chez Taddei car il vient de tomber pour trafic de coke.
— Non, un vrai problème, Télémaque, un vrai de vrai.
L’éditeur releva ses yeux rougis que l’on devinait au milieu de d’une toison en rhizomes deleuziens.
— Vas-y Lilith, soupira-t-il. Envoie le coup de grâce.
— Robert Bloch….
— Quoi, Robert Bloch…
— Eh bien il vient de téléphoner. Et il n’est pas content.

vendredi 18 avril 2008

Chronique mondaine

Hier soir nous étions nombreux à la filmothèque Champollion pour assister à la projection de La Meurtrière diabolique (Strait-Jacket) film de peur et chef-d'œuvre de l'humanité scénarisé par Robert Bloch, dirigé et produit par William Castle, avec dans le rôle-titre (que vous croyez, bande de naïfs) La Star [musique de rigueur], Joan Crawford herself (et sa hache) — brève apparition également de Lee Majors, l'homme qui valut trois milliards et en l'espèce vingt années d'asile psychiatrique à Lucy Harbing (Joan Crawford) pour sa décapitation. En même temps il l'avait un peu cherché, le niais.

Présenté par Jean-Paul Gratias et François Guérif, dont le second était, jusqu'à hier du moins, l'un des rares êtres humains vivants à avoir vu le film, Strait-Jacket a été à la hauteur de ce qu'on en attendait : une série B bien troussée avec une Crawford expressive comme une actrice de muet ce qui tombe bien, la soirée ayant été coorganisée par Moisson rouge à l'occasion de la réédition du Crépuscule des stars...

On espère que le public a apprécié, en tout cas il semble s'être bien marré. Et nous aussi.

jeudi 17 avril 2008

Notre sublime cauchemar hollywoodien

À lire dans le Figaro littéraire aujourd'hui.

mardi 15 avril 2008

Livraison aujourd'hui...

... et sortie le 24 avril.
Punk's not dead, manifestement.

dimanche 13 avril 2008

Mauvais genres...


... parle du Crépuscule des stars...
C'est à la fin, mais profitez de l'émission entière !

Et voici ce qu'on peut lire sur le site de Mauvais genres :

Robert Bloch, Le Crépuscule des stars, Trad. de Jean-Paul Gratias, préfaces de François Guérif et de l’auteur, Ed. Moisson Rouge

Ce roman, écrit par l’auteur de Psychose en 1957, a déjà été publié en France plusieurs fois. Mais il n’était plus disponible depuis une dizaine d’années et, pour l’occasion, Jean-Paul Gratias a revu sa traduction. C’était le roman préféré de Robert Bloch, mais l’échec commercial du livre aux Etats-Unis l’a conduit à écrire des histoires plus lucratives, en faisant peur aux gens. C’est un polar, mais d’un genre particulier, puisque le seul crime commis est contre Hollywood et le cinéma muet. Il raconte l’ascension d’un jeune scénariste, qui au milieu des années 20, tente de réussir dans le cinéma. Les gloires du cinéma muet sont encore présentes, mais le septième art qui n’était encore qu’un artisanat, s’industrialise et certains financiers commencent à comprendre qu’il y a là beaucoup d’argent à gagner. Fasciné par tous les exilés européens qui ont construit Hollywood, Tommy Post, le jeune scénariste, va tenter de résister avec eux à la vague d’industrialisation qui envahit le cinéma. Mais c’est peine perdue, et les vieux fantômes un peu monstrueux, ces personnages d’une autre époque vont petit à petit disparaître, d’une manière souvent tragique. Le Crépuscule des stars est une déclaration d’amour faite au cinéma muet, l’un des grands romans écrits sur Hollywood, à placer dans la bibliothèque entre J’Aurai du rester chez nous de Horace McCoy et L’Incendie de Los Angeles de Nathanaël West.

vendredi 11 avril 2008

L'amour du noir (3) : un été à Capone-les-Bains


Pour une fois, "L'amour du noir" ne vous propose pas une chronique sur le polar, mais une nouvelle inédite de Jérôme Leroy : bienvenue donc à Capone-les-Bains, son golf, ses dunes, ses parasols et sa police...


1.
J’étais affecté à Capone-les-Bains pour mon premier poste. C’était une station balnéaire de la Côte d’Opale, entre Le Touquet et Hardelot. J’avais rêvé de l’antigang ou des stups dans une grande ville et je me retrouvais sous la pluie fine, au milieu d’avenues vides bordées de villas somptueuses cachées dans les pins. C’était beau, mais c’était triste. D’ailleurs, je remplaçai un collègue qui s’était suicidé.
Je garai ma voiture sur le front de mer. A part une baraque à frites, une crêperie genre western, un grand casino fermé et deux jeunes en mobylette qui tournaient en rond, c’était le désert.
Enfin, je pourrais toujours m’initier au char à voile.


2.
La première question que me posa le maire, à qui j’étais venu me présenter, me surprit un peu :
-C’est combien votre paye, monsieur le commissaire ?
Je répondis.
-Oh là, là, mais c’est pas lourd, ça… Vous n’espérez pas pouvoir vous loger à Capone avec ça, encore moins au Touquet. Peut-être à Berck, et encore… Non, avec les prix de l’immobilier, vous allez devoir vous taper un HLM dans la banlieue d’Arras. Ca va être crevant…
Je ne me voyais pas faire l’aller retour, chaque jour pour quelques heures de sommeil. Pourquoi pas dormir dans les cellules de gardav’, pendant qu’on y était?
-Vous êtes sûr qu’il n’ y a pas moyen de trouver quelque chose…
Le maire a souri et a dit :
-Il y a toujours une solution.
Il a ouvert un tiroir de son bureau et a posé deux liasses bien épaisses, en évidence, sur le sous-main. C’étaient des billets de cent euros.
Ça a commencé comme ça.
Ça commence toujours comme ça.


3.
Capone-les-Bains, c’est une station balnéaire, si on veut.
C’est surtout un syndicat de notables qui possèdent tous les terrains constructibles, les syndics de copropriétés et, bien entendu, le casino. Le maire de Capone est sans étiquette mais pas sans amis. Des amis russes, des amis colombiens et même quelques amis siciliens. A Capone, l’été, pour les prolos, on vend des frites etdes barbes à papa, les médecins lillois jouent au golf des Poilus, les avocats parisiens font du char à voile et la mafia du monde entiers blanchit entre cent et deux cent millions d’euros. Par semaine. Chaque saison.
Je prends ma commission, comme le maire, les adjoints, le conseil, mes deux lieutenants et même mes dix gardiens de la paix.
On a tous de beaux chalets balnéaires dans les oyats, des berlines allemandes hauts de gamme ou des 4X4 qui sont des cauchemars écologiques. On s’en fout. On est les rois.

4.
En même temps, tout ça, c’est du boulot. J’escorte les Colombiens qui transportent leurs mallettes de liquide jusqu’à Lille. Je dissuade à coups de crosse et d’incendies accidentels les gitans de traîner du côté des Poilus. Je mets dans la cuvette des chiottes du Macumba la tronche des dealers non conventionnés par la municipalité. J’empêche un colonel centriste de constituer une liste d’intérêt communal aux élections municipales en le noyant lors de sa baignade quotidienne, (il me donna du mal, ce vieux con, ancien para en Algérie encore costaud pour son âge.).
Mes hommes m’adorent. La femme du maire aussi. On se voit trois fois par semaine dans ma villa. On fait l’amour au dernier en regardant les flots gris. Le maire s’en fout. Pour un peu, je serais heureux.


5.
J’étais allongé au soleil, sur un transat, dans mon jardin. L’été à Capone-les-Bains dure une heure vingt. Il faut en profiter. J’écoutais Felicita de Al Bano et Romina Power sur un I-pod dernière génération. J’avais un maillot de bain Cerruti lamé or. Je n’ai jamais prétendu que le pognon donnait bon goût. Encore moins celui de la corruption.
On m’a tapé sur l’épaule. C’était un des gardes du corps des Colombiens du Casino avec qui j’avais souvent bossé.
Il a sorti une seringue et, avant que j’ai pu faire quoi que ce soit, il avait enfoncé l’aiguille dans mon cou. La paralysie fut presque immédiate.
-C’est du curare.. a dit le garde du corps. Je n’ai rien contre toi, mais le maire préfère une rotation accélérée des effectifs. C’est plus prudent. Tu sais trop de choses à ton niveau et les mauvaises habitudes arrivent vite. L’économie moderne, companero, l’économie moderne…Pour ton prédécesseur, le suicide dépressif et pour toi la crise cardiaque. N’y vois rien de personnel, surtout…

6.
J’étais mauvaise langue.
À Capone-les-Bains, l’été ne dure pas une heure vingt.
Pour moi, en tout cas, il a des allures d’éternité.

mercredi 9 avril 2008

Chroniques domestiques (3): l'éditeur et le temps

On se disait l'autre jour qu'il fallait se grouiller de faire préparer A Prayer For Dawn parce qu'il sort quand même en septembre...
Hector disait, ah non, le dîner le 17 avril c'est pas possible on a la signature le lendemain... Je lui disais mais non, c'est en mai. Ah oui, il répondait, je suis déjà en mai... En mai? Non, on est déjà en août. Ou en juillet. En juillet il y a la Semana Negra qu'on ne ratera pas. Trois auteurs dénichés là-bas, quand même.
Avec X. on a rendez-vous le 17 mai? Non, avril, mais mai aussi, le 17. Mais attends, le livre arrive bien le 15? De quel mois? Avril. Exact. On est donc bien en avril. Sang futur, notre prochain livre, est livré le 15 avril. Il sort le 24. Le 24 quoi? AVRIL. Mais on vit en... Quand? Mai? Septembre? Juillet? De quelle année déjà?
L'éditeur, donc, est une être étrange qui s'emmêle dans son agenda et vit avec, en moyenne, quatre mois d'avance. Il sait à peu près la date du jour, à peu près, mais il croit qu'il a rencard le mois d'après ou dans les quatre suivants.
L'avantage : pour lui, malgré les giboulées, c'est déjà l'été.

lundi 7 avril 2008

Comme un lundi, oui, mais au soleil

Traducteurs

Comme chez Moisson rouge on adore les traducteurs, quand l'un d'entre eux créé son blog, on s'empresse de le saluer. Bienvenue donc au Journal d'un traducteur, d'Emmanuel Pailler. Et puis n'oublions pas les excellentes Pages d'écritures de Michel Volkovitch, traducteur de poésie, de théâtre et maintenant de polar grec, qui sera bientôt invité à causer sur ces pages.
Toujours à propos de traduction, après Marianne Millon (Des vies parallèles) et Jean-Paul Gratias (Le Crépuscule des stars), Claude de Frayssinet viendra nous parler en mai d'Une saison de scorpions...

mardi 1 avril 2008

Robert Bloch à Paris, par Jean-Paul Gratias

Robert Bloch, un grand du roman noir en rouge… Je me souviens de cette publicité pour la mythique collection « Red Label », en quatrième de couverture du magazine Polar N°3, qui proposait un « Dossier Robert Bloch ». Red Label avait publié trois de ses romans (L’Incendiaire, L’Écharpe, Le Crépuscule des stars), et Bloch était l’invité d’honneur du festival de Reims. Le 2 mai 1979, Robert Bloch débarque donc à Roissy. Son modeste comité d’accueil : François Guérif, directeur de collection, et moi-même, qui venait de traduire 2 des 3 romans précités. En guise de limousine pour emmener notre auteur : ma 2 CV Citroën, dans laquelle Bloch, avec un petit sourire, acceptera de plier en trois son mètre quatre-vingt-dix.

Notre grand auteur est un monsieur charmant, il suffit de quelques mots échangés pour s’en rendre compte. Quand la voiture entre dans Paris, il nous demande une faveur : depuis qu’il a découvert, à l’âge de douze ans, Le Fantôme de l’Opéra avec Lon Chaney, il rêve de voir l’Opéra de Paris « pour de vrai ». Rien de plus facile. Les bureaux de Pac, l’éditeur de Red Label, où nous sommes attendus, se trouvent rue Saint-Roch. Au volant de ma petite voiture, Bloch se tordant le cou pour mieux voir, je fais donc le tour de l’Opéra, le plus lentement possible, une fois, deux fois, trois fois. Bloch est enchanté. « Mon Dieu, nous dit-il, c’est comme une île en plein milieu de la ville… »

Dans les bureaux de Pac éditions, le patron, Thierry Schimpf, nous attend. Bloch s’installe, détendu, souriant. Le Crépuscule des stars est sorti en France quatre mois plus tôt, bien accueilli par les lecteurs et la critique. J’ai beaucoup de questions à lui poser au sujet de ce roman. Ce que Bloch nous en dit a de quoi susciter bien des regrets : dans son esprit, ce devait être le premier volume d’une trilogie consacrée à l’histoire du cinéma, une vraie passion pour lui. Mais le livre, publié en dépit du bon sens par un éditeur qui n’y croyait pas, affublé d’un titre débile qui n’était pas celui choisi par Bloch (Star Stalker, censé attirer les amateurs de science-fiction alors que ça n’avait rien à voir), se vendra très mal, et la suite ne verra jamais le jour.

Mais Robert Bloch, manifestement, n’a pas envie de s’étendre sur
son œuvre. Il nous pose tout à coup cette question surgie de nulle part : « Connaissez-vous Fredric Brown ? » Bien sûr, nous le connaissons, c’est même l’un des auteurs phares de Red Label. Bien qu’il n’ait pas besoin de prêcher les convaincus que nous sommes, Robert Bloch nous parlera pendant une demi-heure de son ami Fredric Brown, écrivain aux talents multiples, capable d’aborder tous les genres avec le même bonheur, et à son humble avis tristement méconnu dans son propre pays. « Rendez-vous compte, s’indigne-t-il, quand vous cherchez un de ses livres dans une librairie américaine, vous trouvez un mètre cinquante de romans signés Carter Brown, et pas un seul FREDRIC Brown ! »

Quelques jours plus tard, au festival de Reims, on mesurera d’autant mieux la modestie de Robert Bloch, invité d’honneur venu de Los Angeles pour parler de ses livres et qui préfèrera chanter les louanges d’un autre écrivain : il suffira d’écouter quelques jeunes auteurs français, qui avaient à peine pondu deux ou trois bouquins, pérorer sur leur œuvre, leur style (« Mes petites phrases courtes, c’est beaucoup de travail »). Bref, un sérieux hiatus.

Aujourd’hui, bien des années après la disparition de Robert Bloch et de Fredric Brown, leurs admirateurs ont des raisons de se réjouir : aux États-Unis, les rééditions de ces deux auteurs se multiplient, des trésors sont de nouveau disponibles, et les lecteurs français vont être comblés dans les mois qui viennent grâce à Moisson Rouge.

La suite du dossier est à lire sur le site de Moisson rouge...