mercredi 24 novembre 2010

mercredi 10 novembre 2010

Les mémoires d'un poisson rouge - Episode 2

LA TRILOGIE DE BARRYTOWN de Roddy Doyle

Dans le même genre d'étrange destinée cinématographique que les bouquins précédents, La Trilogie de Barrytown consiste un cas vraiment intéressant : Chacun des trois volets à été adapté pour le cinéma, mais par deux réalisateurs différents...

« The Commitments » (écrit en 1987 et réalisé par Allan Parker pour le cinéma en 1991) est le premier volet de la géniale comédie de mœurs de Roddy Doyle, célébrant les aventures tragi-mais-plus-souvent-comiques d'une famille de banlieusards irlandais sous le règne implacable de l'économie selon Margaret Thatcher (je vous parle d'un temps que les moins de quarante ans...).

Tous les romans se passent à Barrytown, petite banlieue prolétaire pavillonnaire comme l'Irlande en compte tant, mais dont le nom est fictif, tout comme celui des Rabitte, famille unie, dont les deux parents, pleins d'humour et, somme toute encore amoureux l'un de l'autre ils sont jeunes, pas plus de quarante-cinq ans semblent affronter les aléas de la vie avec une égale bonne humeur.

« The Commitments » c'est la tentative du jeune Jimmy, le plus âgé des fils, fauché mais ambitieux, de monter un groupe de Rythm'n Blues. Chaque chapitre est un régal pour quiconque a déjà fait de la musique : de la sélection des musiciens au premier concert, en passant par les répètes et les galères de matos, on sent que l'auteur connaît parfaitement son sujet, mais surtout qu'il est amoureux fou de la Musique, avec un grand M, celle qui libère le cri de colère et de joie de l'opprimé... Un sujet cher à Roddy Doyle qui parle ici de négritude blanche. « The Commitments » signifie « ceux qui s'engagent », le choix du genre musical est significatif : « C'est de la musique de Noirs, et nous, les irlandais, on est les nègres de l'Angleterre... »

« The Snapper » (le lardon, écrit en 1990, et réalisé par Stephen Frears pour la BBC en 1993), raconte comment Sharon, l'une des filles de la famille Rabitte tombe enceinte des suites d'une soirée trop arroseé au pub, et refuse de révéler à quiconque l'identité de l'indélicat profiteur. Difficile pour sa famille de justifier une telle situation, dans ce pays où l'avortement est puni d'emprisonnement, même quand c'est le résultat d'un viol. La gamine se voit contrainte de baratiner qu'il s'agissait des œuvres d'un marin espagnol depuis longtemps reparti, mais  personne n'est dupe.
S'ensuivent colères, bagarres, tentatives de représailles et engueulades, rythmées par les soirées de rigolade au pub... On se croirait au village d'Astérix...

Dans le troisième et dernier roman de la trilogie, « The Van » (écrit en 1991, et réalisé toujours par Stephen Frears pour la BBC en 1997), le père de famille (Génialement interprété dans les trois adaptations par Colm Meaney) vient de perdre son emploi grâce, encore une fois, à la bienveillance de Madame Thatcher. Avec un pote dans la même situation, ils décident d'investir leurs maigres indemnités de licenciement dans l'achat d'une baraque à frites. Là aussi, chaque chapitre décrit les différentes étapes plus ou moins rocambolesques de l'entreprise : du remorquage à la main d'une épave graisseuse, aux premiers contacts avec les clients bourrés sortis du pub... (On est en Irlande, le pub est bien plus qu'un lieu, c'est un personnage !)

Le genre choisi par Roddy Doyle permet de faire passer des pilules particulièrement amères : Le viol suivi de grossesse, les tabous de l'église toute puissante; l'impossibilité endémique pour la  jeunesse de cette époque de s’en sortir (et pour certains l'incapacité); le chômage et la quasi misère des milieux ouvriers de l'Irlande des années 80 (on y retourne tout droit)... Ces trois histoires, somme toute ordinaires, qui pourraient arriver à n'importe quelle famille, auraient pu nous être racontées sous un angle beaucoup plus dramatique, mais pas par un irlandais : Roddy Doyle a avant tout voulu célébrer l'optimisme de ce peuple qui connaît si bien la misère, qu'elle la considère quasiment comme un membre de la famille, une vieille tante acariâtre qui s'invite de temps en temps, et qu'on n'ose pas chasser.  

Les thèmes sociaux abordés de façon volontairement comique dans ces trois volumes, et les rapports de société avec la famille Rabitte comme élément central, mais aussi comme mortier sont décrits avec une fraîcheur et un optimisme des plus réjouissants. La vie communautaire des banlieues des grandes villes d'Irlande y est dépeinte de façon tellement palpable, qu'on ressort de la lecture comme on revient d'un séjour linguistique chez son correspondant. On a appris la langue, mais aussi les codes, et plus important encore, on a goûté à l'humour en tant que remède, l'humour pour ce qu'il est : la politesse du désespoir.

Pas étonnant que Stephen Frears en ait fait deux de ses meilleurs films !

vendredi 5 novembre 2010

Festival Paris Noir - le 12 et 13 novembre

 
Sophie Di Ricci viendra présenter son 
premier roman, Moi comme les chiens, le 12 et 13 novembre à la Maison des Métallos (94 Rue Jean-Pierre Timbaud 75011 Paris) pour cette première édition du festival Paris Noir.
 

jeudi 28 octobre 2010

Chronique de la Mala Espera par Sophie Di Ricci


L'intraduisible titre du roman chuchote au lecteur : tu ne m'auras pas aussi facilement. Mala Espera, mauvaise attente, mauvaise promesse. Un serment qui coûte cher. Pernicieux. Mais il y a la lumière du espera, que les Français ressentiront. Un espoir, donc. Qui fait mal.

J'ai rarement lu un livre semblable à la Mala espera.
Aussitôt, l'auteur amène le lecteur dans l'économie souterraine que côtoie son héros, Nene, immigré argentin sans-papier dans un Madrid qui refroidira les amateurs d'exotisme ibérique. Le ciel y est couvert, la pluie menace. Les lieux sont souterrains, les personnages cloîtrés, dans des espaces que l'on imagine exigus, sombres, hostiles, rances. Un bar miteux. Un appartement sans âme. Les couloirs du métro. Une clinique où l'on ne voudrait jamais se réveiller, après un accident.
Là-dedans fourmillent trafiquants, figures locales, proxénètes, paumés, bras armés, petits soldats. On devine les ordres tacites, les relations hiérarchiques omniprésentes mais tues, car évidentes, la survie, et son revers, la mort. Pas de commisération, ni de stéréotypes. Nene n'est pas un martyr. Nene est un clandestin. Point à la ligne. On le suit dans ses courses. Va chercher la coke, transporte la coke, tais-toi, surveille, file ce mec, rends-toi ici, rencontre machin. Voilà ce que tu dois faire. Ce que tu ne dois pas faire, inutile de le dire, tu le sais très bien.

La Mala Espera est le roman du non-dit.
L'histoire s'y construit de façon doucereuse. D'ailleurs, les dialogues y sont rares. Les personnages s'expriment dans des phrases lapidaires, souvent dénuées d'argot et de jurons. On ne s'insulte pas. On se parle très peu. Tout semble transmis à mots couverts. Le plus long dialogue du roman se déroule... sur internet, sur un forum de discussion. Et là encore, l'intrigue est annoncée par une devinette. Une devinette mesquine, lâche et idiote. Une devinette qui n'est pas faite pour être comprise.
Doucereuse.
Puis, contre toute attente, explose le non-dit. Le retour du refoulé. En pleine gueule. Par les gestes – violents – les mots, le message, détonnent. Nene se retrouve dans la merde. Profondément dans la merde. Les déguisements, les atours, s'évaporent. Les coups pleuvent et le goût du sang s'installe dans la bouche. Pour longtemps.

Nene engage alors une course solitaire, parfois absurde, pour survivre. Et pour comprendre. L'enjeu de ce livre est avant tout intellectuel. Au lecteur d'accompagner le jeune homme dans ses questionnements. Et d'assister à la révélation finale, vengeance ultime dans laquelle il ne jouera pas le beau rôle.
C'est l'histoire du pantin, et des mains inattendues qui tirent sur les fils.

On l'aura compris, La Mala Espera ne se lit pas sans réfléchir.
Onirique, abstrait, singulier, quoique haletant et imprévisible, le roman de Marcelo Lujàn est une œuvre cruellement subtile.

Sophie Di Ricci

lundi 18 octobre 2010

« LES MÉMOIRES DU POISSON ROUGE »

Les éditions Moisson rouge lancent une chronique littéraire bi-mensuelle confiée à l'excellent M. Ditroy qui nous fera part , chaque deux semaine, sur ce blog, d'une lecture marquante (ou pas), d'un roman récent (ou pas). Toutes les protestations et/ou insultes sont  à transmettre directement à notre bureau de réclamation à Moscou.


« LES MÉMOIRES DU POISSON ROUGE »

Chroniques d'un liseur

Quand Hector Paoli et Guillaume Vittu m'ont proposé de tenir une chronique pour le site de Moisson Rouge, j'ai tout de suite répondu avec enthousiasme par l'affirmative. Puis j'ai longuement réfléchi, et je suis parti me ressourcer sur le yacht d'un ami milliardaire où j'ai pris le temps de m'investir de la fonction.

Ce que je souhaite avant tout, c'est vous faire part de mon expérience de “liseur”, vous raconter les joies et les peines d'un amateur de bouquins. Aussi vais-je tenter, à travers mes souvenirs de liseur, de vous parler de ma “bibliothèque idéale”, bien modeste au demeurant, et tenter de vous faire part de mon enthousiasme et de mes coups de cœur pour des livres, récents ou pas, de chez Moisson Rouge ou pas.

Je ne suis pas du métier : ni lecteur pour le compte d'une maison d'édition, ni journaliste, ni écrivain. Juste quelqu'un qui achète ses livres et qui les lit. Ce qui compte ici, c'est avant tout le plaisir de lire. Mon but n'est pas de me transformer en critique, on en trouve bien assez comme ça, d'autant que dans les  critiques, il y a essentiellement des cris et des tics, qui sont assurément des choses détestables. 


EPISODE 1 

Les éditeurs de chez Moisson Rouge m'ayant fait l'honneur de m'offrir une rubrique en me laissant l'entière liberté du choix de mes sujets, je vais donc commencer par vous parler d'un bouquin ou plutôt deux, qui n'ont pas été publiés par leurs soins, puisque cette jeune maison n'existait pas encore au moment de leur parution :

« Porno » d'Irvine Welsh :

Comme tout lecteur dilettante, je suis plutôt paresseux.
 Par conséquent, ce qui m'attire dans un bouquin, c'est la facilité d'accès à l'histoire, être tout de suite dans le bain (d'ailleurs, je lis souvent dans mon bain). Il m'est pénible, comme à bon nombre d'entre vous j'en suis sûr, de devoir me farcir cinquante pages fastidieuses avant de savoir de quoi il retourne...
 Quand je suis tombé sur « Porno », sympathique pavé dont le titre m'a tout de suite plu (allez savoir pourquoi), j'ai eu le plaisir de découvrir qu'il s'agissait de la suite de « Trainspotting », fameux pour le film qui en a été tiré par Danny Boyle en 96, et qui a par ailleurs révélé au monde l'immense talent d'Ewan Mc Gregor et de Robert Carlyle.
 Petit dépoussiérage : « Trainspotting » raconte les aventures tragi-comiques d'une bande de toxicos écossais, dans les quartiers les moins touristiques de l'Edimbourg des années quatre-vingt. Vous le trouverez en dévédé chez tous les soldeurs du monde, et rien que pour la B.O, c'est un petit chef d'œuvre. (Quant au livre, essayez les bouquinistes en ligne...)
 Dans « Porno », c'est dix ans plus tard qu'on retrouve Mark Renton, heureux associé d'une boîte de nuit super branchée d'Amsterdam, le nez toujours plein, et maqué avec une somptueuse créature...  Comme il a des trucs à régler, il décide de retourner faire un tour sur ses anciens lieux de villégiature, au bout de ce qu'il pense être un délai raisonnable de prescription.
 Sick Boy, le dandy spécialiste de James Bond, vient tout juste d'hériter d'un pub pourri, véritable palais de la seringue fréquenté par tous les zonards et surveillé de très près par les flics. En homme d'affaires avisé, il décide d'installer un plateau de tournage de films pornos au premier étage. Toujours aussi peu encombré de scrupules, il recrute sa copine, une étudiante gâtée et revenue de tout, pour y jouer la vedette principale, entourée d'une bande de bras (...) cassés.
 De son côté, Spud, le plus camé de tous, authentique junkie incapable de se débarrasser de ses démons et encore moins de parer à ses faiblesses, essaie pour cause de paternité, de transformer sa vie en quelque chose de pas trop proche du désastre... C'est le moment idéal que choisit l'administration pénitentiaire écossaise pour libérer un Begbie définitivement transformé en psychopathe.
 Je vous laisserai découvrir comment tout ce joli monde se rencontrera à nouveau et les suites explosives de leurs retrouvailles, en tout cas, pour ma part, j'ai passé un vrai moment de bonheur à lire ce roman.
 Ironique à souhait, aussi drôle qu'on pouvait l'espérer et pourtant profond, « Porno » n'a pourtant pas rencontré le succès, et le deuxième volet de l'histoire de ces pieds-nickelés reste malheureusement ignorée de la plupart de ceux qui ont vu le film.
 Peut-être parce qu'il n'a jamais été adapté au cinoche, et sûrement parce que tous ou presque (et moi le premier) ignoraient qu'au départ « Trainspotting » était un roman d'Irvine Welsh...
 Du coup, je vais aller le relire.

vendredi 15 octobre 2010

La grande ville plante carnivore, lieu d'intégration

Entretien croisé entre Sophie Di Ricci (Moi comme les chiens) et Marcelo Luján (La Mala Espera).

Sophie Di Ricci :

Ai-je plus de chance de trouver ma place dans une localité de quinze mille habitants, ou dans une agglomération de cinq cent mille, un million, dix millions d’âmes ? La multiplication des êtres promet la multiplication des possibilités. La grande ville où se déroule le roman est anonyme. Cela peut être Paris, Lyon, Saint-Etienne, Lille… Au lecteur de faire son choix. Ou de ne pas le faire.
Quand j’ai entamé la rédaction du roman, Lyon, où je réside, se métamorphosait. La disparition progressive des industries en ville avait suscité d’immenses friches. Comme partout, beaucoup de vieux immeubles d’habitation  furent rasés. Un gigantesque chantier colonisait ces espaces déblayés par la modernité. Dans le 7ème arrondissement, ils franchissaient le périphérique, et il était encore difficile de distinguer la banlieue de Lyon. Je les savais condamnés à disparaître, et j’ai voulu dire la victoire des herbes folles, la survivance des usines vétustes, les graffitis sur les façades friables, et les voies de chemins de fer, dépouillées, offertes au regard, avant qu’on ne les dissimule derrière les murs anti-bruit… Mais Lyon ne détient pas le monopole de cette triste poésie.


Marcelo Luján :

Où sévissent les voleurs de rue ? Où déambulent les clochards ? Où atterrissent ceux qui traversent la mer sur de frêles embarcations ? Où trouve-t-on le plus de prostituées, de gigolos, de dealers ? Où peut on se faire tuer sous n’importe quel prétexte idiot ?

C’est dans l’écosystème unique déployé par une métropole de cinq ou dix millions d’habitants que se trouve l’origine de son pouvoir d’attraction. Les possibilités infinies, bien qu’elles soient toutes potentielles, continuent d’alimenter l’âme des illusions les plus utopiques. Si tu n’as rien, ici tu peux tout avoir ; si tu n’es personne, ici tu peux être qui tu veux.
Mais à quel prix ?

Pour survivre dans une mégalopole de ce type, il faut avoir un bon instinct, un peu de chance, et beaucoup de vigilance. 

 ...lire la suite


http://www.moisson-rouge.fr/moicommeleschiens
http://www.moisson-rouge.fr/lamalaespera

mardi 12 octobre 2010

Dédicace à la librairie Au bonheur des ogres à Lyon

Venez rencontrer Sophie Di Ricci, qui dédicacera son roman Moi comme les chiens,
à la librairie Au Bonheur des Ogres à Lyon le samedi 16 octobre à partir de 15h !
http://www.aubonheurdesogres.com/librairie/Accueil.html


lundi 11 octobre 2010

Crêpes entre amis, l'épisode 4 de la série littéraire urbaine "Les Caillera ne sont pas de mauvais Anges"


Lire l'épisode et s'abonner à la série sur: http://www.lesangesshabillentencaillera.com/

mercredi 6 octobre 2010

CE SOIR



Roman noir et théatre d'impro et bière pas trop chère et vins naturels
Venez rencontrer Sophie Di Ricci, vous faire dédicacer un exemplaire de Moi comme les chiens, regarder des matchs d'impros sur des thèmes du polar et boire une boire ou un verre de vin naturel aux Combustibles !
Les dix premiers à se faire dédicacer un exemplaire auront le droit à un livre neuf ET un badge !

jeudi 30 septembre 2010

Noir comme polar

Les crocs
 
27-09-2010
 
Sophie Di Ricci
Moi comme les chiens

 
 
Un jour son père annonce à Willy que "maman et moi on voudrait s’acheter un mobile home". Willy décide qu’il est temps de partir. Il devient Alan, Rimbaud des H&M, Converse, jean slim, coke et t-shirt rock. Il veut partir à Montréal devenir disquaire, monter un groupe de rock aussi. En attendant, il zone de mecs en mecs, claque le peu d’argent qu’il gagne en disques, traîne sur le boulevard avec Mickey et Bouboule, deux paumés qui tapinent pour se payer leurs doses, accepte quelques passes en attendant le gros lot. Et il y a ce type étrange, planqué tous les soirs dans sa Peugeot qui les observe. Alan surtout. Il paraît qu’il est riche, armé, dangereux, peut-être un ancien bandit, un tueur à gages sûrement. "Hibou". Qui intervient le soir où Alan se fait agresser par un micheton. Une rencontre, pleine de silence et de violence qui ne dit pas s’ils feront ensemble autre chose que baiser et mourir. Moi comme les chiens "c’est une histoire de mecs, entre mecs" écrit par une fille, un récit assez juste sur la dérive, le désœuvrement des paumés, la peur des camés, la marchandisation du désir, rythmé par des chapitres accordés, courts au point de rendre toute projection impossible et de ne laisser d’autre choix que l’instant, en zigzag.

Clémentine Thiebault

Coup de coeur Black Novel

« Attention coup de coeur ! J’avais besoin d’un roman noir, allez savoir pourquoi ? Après avoir lu quelques best sellers très formatés mais néanmoins intéressants, le premier roman de Sophie Di Ricci me tendait les bras … les pages. »

« Ce livre m’a envoûté, m’a remué, m’a emporté, m’a ému, m’a secoué. Vous vous doutez que le sujet m’impose de vous avertir que certaines scènes sont explicites et donc à ne pas mettre entre toutes les mains. Mais Sophie Di Ricci fait preuve d’une maîtrise impressionnante tout au long de son histoire. Je viens de découvrir un nouvel auteur, son livre est grand, son livre est fort, son livre est à lire, et il mérite un grand coup de coeur. »

Pierre Faverolle

Lire l’intégralité de la chronique sur :
http://black-novel.over-blog.com

vendredi 24 septembre 2010

Candide dans les bas-fonds, lelitteraire.com

Par François Xavier, le 24 septembre 2010
« Faîtes le détour, fuyez les têtes de gondoles et le dernier Nothomb pour vous ouvrir à de nouvelles sensations, à une langue forte qui ose marier vaticiner et enculer sous une même couverture, dans une suite de courts chapitres titrés qui vous happent finalement, dans une syntaxe profondément humaine. Car l’homme est né de la boue, non d’un chou… »
lire le reste de l’article

lundi 20 septembre 2010

Les cailleras ne sont pas de mauvais anges- série littéraire urbaine

http://lesangesshabillentencaillera.fr/
Pour patienter jusqu'à la sortie des "Anges s'habillent en caillera" en janvier 2011, retrouvez chaque semaine les aventures de Sofiane, le cousin du Marseillais, dans la série littéraire urbaine "Les cailleras ne sont pas de mauvais anges", tous les lundis jusqu'à la parution du roman.

lundi 6 septembre 2010

Entretien de Sophie Di Ricci avec Les petits papiers de Mademoiselle

Lundi 6 septembre 2010 1 06 /09 /2010 07:00
Cette semaine, à l'occasion de la rentrée littéraire, Les petits papiers de Mademoiselle, accueillent chaque jour un auteur publiant son premier roman. La série "Première rentrée littéraire" débute aujourd'hui avec Sophie Di Ricci. Née en 1983, Sophie a grandi à Villeurbanne et réside à Lyon. Elle n’a pas fait d’études supérieures. Après avoir passé deux ans à Montréal et s'être mariée à Las Vegas elle vit aujourd’hui de petits boulots. Moi comme les chiens, édité chez Moisson Rouge, sortira le 23 septembre.
 
 

Qu’est-ce qui vous a donné l'envie d’écrire ?
J'ai toujours voulu raconter des histoires. Avant de savoir lire et écrire, je dessinais. Pendant mon enfance, je me suis intéressée à tous les moyens narratifs : l'écriture, la bande dessinée, le cinéma, le jeu vidéo... Il s'est avéré très vite que l'écriture était le médium le plus efficace, le plus rapide et le moins coûteux. C'est aussi un des rares « arts » où aucun diplôme n'est nécessaire. On peut tout à fait apprendre en autodidacte. Et puis, écrire ne coûte pas cher. Il suffit d'un ordinateur, voire d'un papier et d'un crayon. L'auteur est seul. Il ne rencontre pas de contraintes budgétaires ou hiérarchiques. Libre à lui de retranscrire, par l'écriture, un univers qui exigerait des budgets pharaoniques au cinéma. Il tient là un avantage – une certaine liberté – mais aussi un inconvénient. Ecrire est une expédition en solitaire. L'absence de compagnons, collègues, soutiens, dans le processus de création, est parfois très pesante...
 
Pourquoi avoir choisi le genre du roman noir ?
Avant qu'un éditeur ne me le dise, je ne savais absolument pas quel genre j'écrivais. Je connaissais assez mal cette littérature. Aujourd'hui encore, je suis loin d'être une spécialiste du noir. Je n'en lis pas énormément, j'évite les intrigues à enquête, je crains les scènes de violence et de meurtre. Elles m'impressionnent plus qu'au cinéma. Quand j'ai passé la journée à rédiger une exécution sommaire, je n'ai pas très envie de retrouver ça le soir, quand je lis au plumard. En vérité, plus qu'un choix, le roman noir s'est imposé à moi. Je voulais écrire des histoires avec de la violence, des armes, des règlements de comptes. J'aime les films de yakuzas, j'aime beaucoup aussi les Scorsese noirs, et les westerns. Jusqu'à présent, je n'avais jamais lu de livres où l'on retrouvait tout ce qui me fascinait dans ces films. Je voulais raconter ce genre d'histoire à travers des personnages de mon âge, de ma génération. Pour être sincère, je ne suis pas très innovante, je me contente de transposer.
 
Dans Moi comme les chiens, les protagonistes sont des hommes, est-ce un choix délibéré ?
Délibéré, oui, dans le sens où je ne prends pas de plaisir, pour l'instant, à développer des personnages féminins. Moi comme les chiens comporte quand même deux ou trois nanas, mais, il est vrai, cantonnées à des « rôles » secondaires. J'ai toujours voulu être un homme, j'apprécie leur compagnie. Les personnages masculins me permettent de pouvoir me travestir comme je l'entends. Si je ne peux pas me transformer quand j'écris, je m'ennuie.
 
Dans quelle mesure vous êtes-vous inspirée de votre vie ?
Les thèmes que j'aborde sont relativement universels, à mon avis. Le thème du roman que l'on retient est la prostitution (masculine). Voire la drogue. Je pense cependant que tout un chacun peut s'y reconnaître. Qui n'a pas expérimenté ce qu'est l'exploitation de l'homme par l'homme, ou la domination du plus fort, du plus riche ? La prostitution et la drogue s'en distinguent simplement par leur mécanisme patent : l'exploitation de l'être humain y est mise à nu. Il n'y a pas d'atours, ni de déguisement. En quelque sorte, c'est le brutal retour du refoulé. De même pour la question de l'adolescence, du passage à l'âge adulte, que transporte le personnage d'Alan, un tout jeune homme de vingt ans. Ce pourrait être mon histoire comme celle de n'importe qui. La volonté d'intégration du sujet dans la Cité est un parcours ordinaire. Même si le parcours de mon personnage est difficile.
 
« Moi comme les chiens, j’éprouve le besoin de l’infini » est une citation du Comte de Lautréamont, quels sont les auteurs qui vous ont influencée ?
Lautréamont n'en fait pas forcément partie ! Je crois qu'un auteur est influencé par toutes ses lectures, depuis l'entrefilet du journal gratuit qu'on lit dans le métro, jusqu'au grand choc littéraire qu'on se prend en pleine gueule. Après, il est très difficile de savoir où, quand, comment, ces choses ont trouvé leur répercussion dans ce qu'on écrit. Dans un récent entretien (pour le site Babelio), on m'a demandé quels étaient les livres qui m'avaient donné envie d'écrire. J'ai cité les histoires que ma mère me lisait, dans ma petite enfance. J'avais oublié les albums d'Ernest et Célestine, qui me sont tout à coup revenus. J'en ai alors relu, et, pour ma part en tout cas, je retrouve beaucoup de thèmes présents dans Moi comme les chiens. Ces bouquins m'ont positivement traumatisée. Alors, oui, Moi comme les chiens fait un album d'Ernest et Célestine un peu trash...
Pour les influences dont je suis consciente, ce sont surtout des films. Quand je me lance dans un projet, je préfère penser « tel film était génial, je vais écrire un truc dans la lignée, car je n'ai jamais vu ça dans un bouquin ». Je me sens plus libre. J'ai moins le sentiment de plagier.
 
Dans quelles conditions écrivez-vous ?
J'écris le jour, puisque, étant salariée, je dois me lever tôt le matin ! Et le soir, je suis bien trop fatiguée. L'idéal est d'écrire le matin, à partir de huit heures. Mon esprit est frais, vierge, dispos. La durée de mes séances de travail est très variable. Cela peut prendre deux heures comme cinq ou six heures. Je n'écoute jamais de musique quand j'écris. Le bruit de la rue, des voitures, ne me dérange pas. Mon appartement est petit, et mon « bureau » se trouve dans le salon. J'y suis très bien. Je fume beaucoup. Les seules choses dont j'ai besoin pour écrire, c'est du calme, une bonne nuit de sommeil, mon ordinateur et mes cigarettes. Je suis incapable d'écrire sur du papier. Tous ceux qui frappent au kilomètre comprendront aisément !
 
Avez-vous un autre roman en préparation ? Et si oui, pouvez-vous nous en dire plus ?
Je travaille actuellement sur un nouveau texte. Quant à dire si cela aboutira à un roman, je n'en sais rien. Les faux départs, ça existe, malheureusement. Par superstition, je ne parle à personne de mes travaux en cours, pas même à mon mari...

Merci Sophie.

jeudi 2 septembre 2010

Rentrée littéraire, Sophie Di Ricci dans l'ARALD

vendredi 27 août 2010

Entretien de Sophie Di Ricci avec Babelio.

Moi comme les chiens a été inspiré par le Shinjuku Triad Society de Miike Takashi, en quoi la construction cinématographique a-t-elle joué sur votre écriture ?

Dans la brièveté des chapitres et l'importance des dialogues. Le récit est très souvent consacré à l'action, peu à l'introspection. Enfin je crois...

Le titre de votre roman est repris de Comte de Lautreamont "Moi comme les chiens, j'éprouve le besoin de l'infini...", simple hommage ou influence littéraire?

Influence, je ne sais pas... Je pense que les auteurs sont toujours influencés parce qu'ils lisent, que ce soit conscient ou pas. Je ne peux pas prétendre être consciemment influencée par un poète dont l'œuvre se déroule dans un monde imaginaire fait de monstres, de mutations, de magie... J'ai écrit un roman « réaliste ».
La filiation à Lautréamont se situerait plutôt dans la description de l'appel au monde qu'est l'adolescence – et de l'acceptation ou du refus de cet appel. Loin de moi l'idée de signifier que je l'ai fait de la même façon que lui...
A mes yeux, la citation « Moi comme les chiens... » résume parfaitement ce qu'éprouve un personne aspirée par une tentation qui la dépasse.


Lire la suite par ici.

mardi 10 août 2010

vendredi 6 août 2010

Interview de Sophie Di Ricci par Bernard Strainchamps















Comment vous est venue l’idée d’écrire Moi comme les chiens ?


Je n’étais qu’une gosse, j’avais vingt-deux ans (j’en ai aujourd’hui vingt-six). Mon frère m’a prêté le film de Takashi Miike "Shinjuku Triad Society", un polar avec des yakuzas. Autant dire que ça m’a fait un choc cosmique. Une histoire simple, des scènes brèves qui claquaient comme les balles d’une mitraillette et une véritable urgence dans le propos, dans la mise en scène, dans la transmission de l’ambiance. Je me suis dit que je devais écrire quelque chose dans ce genre-là. J’avais déjà développé quelques situations de "Moi comme les chiens", mais elles restaient à l’état d’ébauches. Après avoir vu le film, j’ai construit mon fil conducteur très rapidement. Il n’y a rien de très compliqué dans la structure du roman. Rencontre – traque – vengeance.

Pourquoi un couple homosexuel ?

J’ai toujours voulu être un homme et j’aime les hommes. Pour l’instant – peut-être que ça changera un jour – je ne ressens aucun plaisir à développer des personnages féminins. J’ai envie de me transformer, quand j’écris. Sinon, je m’ennuie. Et puis, comme j’aime bien les histoires de sexe, s’il n’y a que des mecs, ça donne forcément des histoires entre mecs. J’adore passer six mois dans l’écriture d’un roman masculin. C’est le pied.


La prostitution masculine, c’est un milieu que vous connaissez ?

Je pars du principe que toute relation vénale, de domination, d’exploitation, se déroule de la même façon. Je connais, dans le sens où j’expérimente, comme la plupart des gens, ces mécanismes-là dans ma vie quotidienne. Avec la drogue ou la prostitution, les choses sont beaucoup moins déguisées que dans d’autres situations.


L’intrigue se déroule durant la coupe du monde de football de 2006. Pourquoi ce choix ?

J’ai écrit le premier jet du roman pendant la Coupe du monde en 2006. Je l’ai intégrée sans même y réfléchir. C’était une bonne initiative, elle m’a fourni une superbe unité de temps. En plus, j’aime beaucoup le football.


Etes-vous lectrice de roman noir ?

En vérité, je lis un peu de tout. En polar et roman noir, j’évite les ouvrages trop violents. Je suis du genre à tourner longtemps avec une petit fonds de roulement d’auteurs : Chester Himes, Richard Price, Edward Bunker, Harry Crews.


Pourquoi les éditions Moisson rouge ?

J’avais trouvé leur ligne éditoriale intéressante, je m’y reconnaissais, bref, j’avais l’impression qu’eux et moi, on pouvait tout à fait s’entendre. J’ai pu bénéficier d’une liberté complète dans la rédaction de mon manuscrit final. Et je pense que c’est ce que souhaite un auteur, non ?

Entretien réalisé par Bernard Strainchamps pour Bibliosurf.com, librairie en ligne.
http://bibliosurf.com/Interview-de-Sophie-Di-Ricci

lundi 5 juillet 2010

Mississipi Blues, lu par E. Borgers

Mississipi Blues est un livre à classer à la marge du roman noir, par son mélange de réalisme et de fantastique, ainsi que par son sujet qui l’éloigne du roman noir policier.

On assiste aux déboires et au chagrin immense causé à Eli Cooper, artiste peintre réputé à New York, par la mort accidentelle de sa jeune femme Noire, danseuse dans un théâtre de Broadway. Propulsé brutalement dans un bled perdu du Mississipi, Eli tente de rassembler ce qui lui reste de bon sens pour faire face à son sort : en fait il se retrouve à West Point en pleine année 1938, en juillet pour être précis. L’année de la mort de Robert Johnson, ce bluesman mythique, réputé avoir vendu son âme au diable.

Il se mettra à tenir un journal relatant ce qu’il vit et ce qu’il ressent dans l’immédiat de cette situation délirante qui l’a mis dans la situation des petits blancs du Sud, parmi une communauté noire majoritaire, exploitée et traitée en untermensch par l’Amérique blanche.

Mais c’est une communauté bien vivante malgré l’espace horriblement retreint que lui laisse le Rêve Américain. Et qui chante. Et qui danse. Et qui a inventé le blues… face à ces strange fruits qui décorent les arbres du Sud, face à la misère et au désespoir. Une musique qui traduit toutes les angoisses, toutes les révoltes, tout le quotidien de ces populations qui ont la peau trop sombre. Un quotidien raconté sous tous ses aspects qui n’est pas décrit avec les précautions oratoires imposées par ce début de 20e s. aux arts de masse, mais bien dans une langue traînante, souvent crue, argotique, imagée et vécue.

Eli tente de survivre dans ce 1938 qu’il connaît surtout par sa musique, ce qui explique qu’il se lancera sur les traces du jeune bluesman Howlin Wolf, ce chanteur noir innovant, puissant, force de la nature, qui sera une des racines du blues de Chicago. Eli ferait tout pour pouvoir écouter le bluesman sur les scènes locales, au cœur de cette période où, toujours dans son terroir, le Wolf chantait déjà beaucoup, mais n’était pas encore enregistré. Et lorsqu’il rencontrera Ella, jeune Noire au service de sa logeuse, Ella cette veuve réservée mais instruite et réfléchie, il se sentira immédiatement attiré par celle-ci, lui marquant très vite un intérêt certain. En 1938, au Mississipi, on pendait pour bien moins que ça…

Récit poétique et brillant, lancé à la poursuite de ses personnages dans les couloirs du temps, Mississipi Blues jongle avec les décalages, les points de vue multiples et les récits à plusieurs voix, tout en parvenant à donner de la consistance à ses personnages et à recréer les ambiances propres aux époques et aux lieux évoqués. Le lecteur sera plongé dans un 1938 qui illustre bien le Sud américain, son racisme, sa pauvreté, sa religiosité proche de la bondieuserie et sa musique, tout en évitant les clichés et l’angélisme. En parallèle avec un 2001, égocentrique, énervé et souvent futile. Si l’ode à l’amour fracassé est évidente, il faudra suivre avec plus d’attention la double ellipse que décrit le récit au travers du temps et de l’espace, ellipses dont les cours se croisent et finissent par se rejoindre, leur débuts et leurs fins se superposant dans des figures topologiques attisées par le côté fantastique de l’histoire que nous conte Natan Singer. Il est certain que les quelques références à Kurt Vonnegut trouvées dans le texte ne sont pas là par hasard, indices du type d’univers visé par Singer.

De plus, les évocations directes ou allusions secondaires se référant aux chanteurs Noirs de blues sont parfaitement cohérentes et justes, avec de multiples inclusions dans le roman de faits réels et de données avérées de leur biographie. Comme ce disque préféré de Eli, Dirty Mother For You, chanté par Memphis Minnie, blues typique par son texte censuré et ses double sens : il s’agit en fait de comprendre « Dirty Mother Fucker », dans ce titre et texte déformés phonétiquement pour pouvoir être diffusés- le blues réel et ses textes crus et réalistes était de toute façon absent des antennes des radios nationales jusque dans les années 1960, seules quelques stations pour Noirs en diffusait ; mais le titre original aurait même pu faire interdire le disque… Il y a aussi West Point, Mississipi, lieu de naissance de Chester Arthur Burnett dit Howlin Wolf en 1910… et d’autres éléments réels, à propos des musiciens Noirs, infiltrés par Nathan Singer (l’auteur, étant lui-même musicien, connaît bien les racines de sa musique).

Par-dessus tout, Mississipi Blues nous emporte par la force du style de l’auteur qui charrie poésie et réalisme vériste, tout en faisant reposer son intrigue sur un fantastique maîtrisé. On reste captivé grâce à une construction non-linéaire qui fonctionne, malgré une certaine confusion qui semble s’installer dans les derniers chapitres du roman.

Après l’extraordinaire Prière pour Dawn, Nathan Singer nous offre sa vision du souvenir hanté par l’amour fou, revu à la National guitare et à l’harmonica diatonique.

Courez l’écouter.

http://polarnoir.net16.net
EB (avril 2010), (c) Copyright 2010 E.Borgers

mardi 15 juin 2010

Moisson rouge lance la Narco coupe du monde



Jour de finale de Copa Libertadores qui couronne le club champion d’Amérique du Sud. Quelques heures avant le match, l’un des entraineurs est retrouvé assassiné. De quoi rendre l’ambiance explosive et déchainer la folie des ultras et des narcos. Présidents véreux, tueurs à gage à la solde des puissants cartels de la drogue, matchs et paris truqués, joueurs achetés, corruption à tous les étages : Narco Football Club narre une saison de foot particulière sur fond de blanchiment d’argent et de trafic de drogue. À l’heure du foot business, ce roman plonge dans les coulisses et les bas-fonds du sport roi.
Marc Fernandez est journaliste au courrier international. Jean-Christophe Rampal est rédacteur en chef du magazine Ulysse. 
Narco Football Club est leur premier roman.

vendredi 21 mai 2010

La fille de Neptune, de Randall Peffer POLAR NAVAL

« Même à l’époque c'était déjà un phénomène, beaucoup plus qu’une simple gamine sexy qui a grandi dans quatre pièces au-dessus d’un bar de pêcheurs dans l’anse de Cape Cod. Elle était la fille de Neptune de Oliveira, Tina l’allumeuse. La fille unique d’une légende de Cape Cod, rejeton du dernier des baleiniers des anciens temps. Un héros finalement revenu du grand large, voûté et grisonnant, pour engendrer celle qui, pour les habitants de Woods Hole, fut ce qui s’approchait le plus d’une déesse. C’est elle que nous enterrâmes il y a quatre jours dans un cercueil chromé. »

La fille de Neptune de Randall Peffer

Ed. Moisson rouge, 19 euros
Isbn : 978-2-914833-93-6
Mai 2010

samedi 24 avril 2010

Yann Le Tumelun, sur Moisson noire, chronique Mississippi Blues

Nous sommes en 2001. Un soir, Eli apprend la mort accidentelle de sa femme. Fou de douleur, il s'enfuit dans les rues, court, hurle, et s'évanouit. Avant de se réveiller au Mississipi en... 1938. Il ne le sait pas encore, mais il vient d'emprunter l'un des nombreux "couloirs du temps".

Complètement désorienté, Eli se familiarise peu à peu avec son nouvel environnement et avec quelques-uns des habitants. Il trouve une place à la pension de Mme Durning et la journée, travaille avec d'autres ouvriers dans les champs de coton.

Durant son "séjour", il va faire la connaissance d'Ella, une jeune servante noire qui ressemble trait pour trait à la femme qu'il vient de perdre, et du légendaire blues man Howlin Wolf. Lui aussi a déjà voyagé dans le temps, et il met en garde Eli contre "Eux" : des êtres maléfiques et sournois qui forment la police du temps et poursuivent sans relâche les voyageurs "égarés".



Avec très peu de détails, l'auteur fait revivre le Sud ségrégationniste. On sent la poussière, la chaleur, la sueur après le labeur dans les champs. La vie est dure, encore plus pour les Noirs, brimés, asservis, quand ils ne sont pas pourchassés et lynchés, se balançant comme d'étranges fruits aux branches d'un arbre. Bientôt la révolte gronde, et les bagarres de 1938 font échos aux émeutes du quartier de Watts, à Los Angeles en 1965...

Bien-sûr, ce roman est aussi un hymne au blues du Delta, le blues originel, profond, archaïque, râpeux, celui des Robert Johnson, Big Mama Thornton, Skip James, Memphis Minnie, Son House..., autant de grandes figures que Nathan Singer convoque pour le plus grand plaisir des amateurs de "musique du diable".


Sur le plan formel, on retrouve quelques similitudes avec Prière pour Dawn, notamment la structure éclatée du récit et une histoire racontée à plusieurs voix, ici à partir des journaux intimes des différents protagonistes - Eli, Ella et l'énigmatique Jerôme Kinnae, qui sillonne le Temps et vend ses services à d'autres "voyageurs".
Mais alors que Prière pour Dawn avait tendance à s'éparpiller et à abuser d'effets stylistiques, Mississipi Blues garde une unité ainsi qu'une relative sobriété.

Il est juste dommage que le dénouement soit un peu rapide, pas assez "appuyé" - l'épilogue n'en est pas vraiment un d'ailleurs, plutôt une postface de l'auteur racontant la genèse du roman.
Hormis cette petite réserve, ce Mississipi Blues joliment scandé ne m'a pas lâché. Un petit bijou et un texte aussi iconoclaste qu'enchanteur, où le fantastique flirte savamment avec le polar.

Mississipi Blues / Nathan Singer (Chasing the wolf, 2006, trad. de l'américain par Laure Manceau. Moisson Rouge, 2010)

mercredi 14 avril 2010

LECTURE / CARTOUCHE

       "Ce n’est évidemment pas parce que Thierry Marignac nous a fait l’honneur de la page suivante que nous invitons le lecteur à se précipiter sur son dernier livre. C’est tout simplement parce que nous considérons que Marignac est probablement ce que le genre noir a produit de plus original en France depuis la génération des Manchette et des A.D.G. Et c’est parce que Le pays où la mort est moins chère est un concentré du meilleur Marignac : un vrai cocktail Molotov, composé de nouvelles qui allient une vision carrément désespérante du monde moderne à une sorte de mélancolie ontologique. Le résultat n’est pas très gai, on s’en sera douté, mais il est cependant roboratif. Et il est roboratif parce que la vérité des êtres et des choses de ce temps, fût-elle excessivement atroce, est forcément plus roborative que leurs simulacres lénifiants, et que lire Marignac vaut paradoxalement tous les antidépresseurs. Cela tient à la vitesse, à la violence et à l’énergie du style, à un vrai génie de l’image et de l’ellipse, dont il faudrait peut-être remonter au premier Morand, celui de Fermé la nuit et de L’Europe galante, pour retrouver l’équivalent dans la littérature française. On ne peint pas le chaos avec la plume d’Anatole France. Marignac, lui, écrit au chalumeau et fignole au laser. Ça décoiffe."
M.M.

Thierry Marignac,
Le pays où la mort est moins chère,

Moisson rouge
144 p., 15€.

À cheval sur le voyage

Par Christophe Dupuis,

K-Libre  

           Eli Cooper, vingt-sept ans, artiste new-yorkais encensé par la critique qui l'a étiqueté "néo post-impressioniste", foudroyé par l'annonce de la mort de sa femme (un accident de scène à Broadway où elle a été écrasée par une poulie qui s'est détachée du plafond), tombe dans une faille temporelle qui le projette le 10 juillet 1938 au Mississippi. Commence alors pour lui une bien étrange errance marquée par un travail de forçat à la ferme (ça change de l'art !), la vision directe de la ségrégation (bienvenue au Mississippi !) et le refuge dans une petite pension où la jeune servante noire n'est autre que... la réincarnation de sa femme !
Au début du roman, on peut se demander pourquoi Nathan Singer (l'auteur de l'inimitable Prière pour Dawn chez le même éditeur) ne pose pas directement son histoire en 1938... Mais bien rapidement, cela prend toute sa dimension et, une fois de plus – mais dans un genre radicalement différent de son premier roman –, cela force l'admiration. Le Mississippi de l'époque est parfaitement rendu : architecture, poussière, chaleur, ségrégation, émoi à l'écoute des disques... Et, avec une narration très fluide (tout est toujours rythmé par la mise en page et le travail sur la ponctuation), Nathan Singer vous emmène aux confins du blues. Le roman se lit d'une traite, vous tremblez, êtes effarez... encore un sacré morceau de bravoure !

http://www.k-libre.fr/klibre-ve/index.php?page=livre&id=786


lundi 5 avril 2010

 Vladimir Kozlov, auteur de Racailles, dédicacera son livre à la Librairie du Globe ( 67 boulevard Beaumarchais 75003 PARIS) le JEUDI 8 AVRIL à partir de 19h... Venez nombreux

mardi 30 mars 2010

La Bête sur Polar Noir

La bête de miséricorde

(The Lenient Beast - 1956)
Fredric Brown

par E.Borgers
http://polarnoir.net16.net/livrescr90.html#brown_misericorde


Cette réédition d’un roman noir de Fredric Brown, avec traduction revue, nous replonge dans ces romans de qualité qui ont fait apprécier au plus grand nombre la littérature hard-boiled et noire aux USA, durant les années fin 1940 à 60, et qui touchèrent un vaste public grâce à leurs éditions de poche, bon marché, souvent édition originale du roman (voir à ce sujet notre article : « Tout dans les poches » -dans Polar Noir).

Si Fredric Brown était surtout connu pour ses très nombreuses nouvelles et quelques romans de SF et de fantastique, réputé pour ses « chutes » percutantes et sa concision, ou encore son humour omniprésent allant de l’ironie à un humour plus noir, il fut aussi un très bon auteur de romans noirs, dont La bête de miséricorde. Parmi ses autres romans noirs très bien reçus par le public pour leurs qualités narratives et leur inventivité, rappelons le célèbre « Screaming Mimi » (La belle et la bête) ou encore « The Fabulous Clip Joint » (Crime à Chicago), sa production pourtant importante étant moins commue en Europe pour ce genre de littérature.

C’est dans la chaleur déjà bien marquée du printemps en Arizona, que John Medley, paisible retraité de Tucson, découvre le cadavre d’un homme dans son jardin, victime d’un meurtre sans grand doute. Dans ce quartier pavillonnaire plus que paisible c’est l’étonnement, aussi pour la police et les deux inspecteurs locaux mis sur l’affaire, Frank Ramos et Fern Cahan.

Si l’identité de la victime est assez vite découverte, les motifs qui auraient pu pousser à un meurtre sur sa personne sont loin d’être apparents : il s’agit d’un pauvre hère, rescapé de la guerre en Europe, seul survivant d’un accident de voiture qui a tué sa femme et ses gosses récemment sur les routes nord-américaines.

Les deux inspecteurs ne trouvent aucune piste, ni l’arme du crime, un calibre .22 Short, et si les cercles décrits par leur enquête couvrent bien tous les témoignages possibles et les vérifications d’usage, rien de concret n’est confirmé. Ramos s’entêtera, prêt à suivre des pistes ténues, guidé pat son instinct mais surtout par son obstination habituelle qui ici se heurte au scepticisme de son supérieur et à la résignation trop rapide de son coéquipier.

Pourtant ce sera au bout d’un chemin imprévu et ténébreux que Ramos sera mis face à face avec la vérité. Une vérité équivoque et noire qui mettra à l’épreuve ses notions personnelles de justice et d’humanité.

Roman attachant, La bête de miséricorde bénéficie du style limpide et serré de Fredric Brown, avec des personnages centraux crédibles dans une intrigue riche en psychologie suggérée. L’insouciance de Cahan, l’ultra réactivité de Ramos, d’origine mexicaine et marié à une Blanche, alcoolique de surcroit, qui se détache toujours un peu plus de lui, Mosley ce retraité qui n’a pas de secrets mais qui apparemment n’a surtout pas de passé, tout concoure à nous engluer dans la toile tissée par Brown. Sous le soleil d’Arizona dans une époque (les années 1950) où tout semble facile et transparent.

On notera aussi la construction divisée en chapitres donnant alternativement voix a chacun des principaux protagonistes, chacun faisant plus ou moins suite au précédant pour former le déroulement du récit. Procédé efficace pour créer des ambiances décalées et insolites à partir de ce qui est l’instant présent pour chacun des personnages. Un procédé peu courant dans le roman noir de l’époque, mais qui correspond bien au tempérament et à l’expérience de nouvelliste de Fredric Brown.

Le tout débouchant sur une fin assez imprévue, noire et originale, qui, à notre avis, accentue en force les composantes sombres du récit.

Tout ce que nous en avons dit confirme, faut-il le souligner, que c’est avec plaisir que nous avons revisité La bête de miséricorde, ce roman d’un des petits maîtres du genre, issu d’une époque où 220 pages max., au format des pockets US, suffisaient pour nous fournir des romans originaux, secs, noirs, percutants ou provocateurs.

EB (mars 2010)
(c) Copyright 2010 E.Borgers

jeudi 25 mars 2010


A l'occasion de la sortie de Mississippi Blues de Nathan Singer, les Éditions Moisson rouge accompagnées d'acteurs amateurs organisent une brève manifestation théâtrale et littéraire au salon du livre de Paris. Plusieurs saynètes tirées de l'ouvrage seront jouées le Dimanche 28 mars après-midi dans les allées du salon.

http://www.salondulivreparis.com

jeudi 18 mars 2010

Premier chapitre de La bête de miséricorde de F. Brown

Petit cadeau bonus, ce premier chapitre exemplaire, "un modèle du genre" (k-libre) qui aurait pu être une très bonne nouvelle à lui tout seul.
C'est ici.

mercredi 10 mars 2010

La bête de miséricorde (1956) aux Éditions Moisson Rouge (2010)

Tiré du blog "Le  vent sombre"


Tucson, Arizona. Un homme découvre un cadavre dans son jardin, tué d'une balle dans la tête. Les enquêteurs dépêchés sur place ne trouvent aucun indice exploitable, mais l'un d'eux réussit à identifier le mort. Rescapé d'Auschwitz, immigré ensuite au Mexique et ruiné à la mort de son père, il était arrivé depuis peu avec sa famille pour tenter de refaire sa vie, mais avait perdu femme et enfants, quelques semaines plus tôt dans un accident de voiture.

Les jeunes Éditions Moisson Rouge ont inscrit à leur catalogue cette Bête de miséricorde de Frederic Brown, l'un des très grands romanciers de SF des années 40 et 50, qui ne rechignait pas non plus à produire de superbes textes noirs. Je retrouve donc ici avec plaisir ce compagnon d'adolescence, dans une nouvelle traduction d'Emmanuel Pailler. Ce dernier précise ses intentions dans la préface : restituer la précision, la concision, la sécheresse parfois de l'écriture de l'auteur de Night of the Jabberwock et de Martians, go home !, dissimulées sous les versions fantaisistes ou lyriques des années 50.

la-bête-de-miséricorde
La bête de miséricorde obéit à un plan original. Il s'agit d'une enquête à la Colombo [1] où nous connaissons assez tôt le meurtrier, mais pas ses motifs. Placés dans cette situation d'observateurs, nous pouvons suivre avec un autre regard les difficultés qu'éprouvent les enquêteurs pour remonter jusqu'à lui.

Le changement de narrateur à chaque chapitre permet à Brown de ne pas se cantonner à cette traque difficile. Le roman devient vite la chronique d'une ville de province, avec son lot d'alcool, de déprime, de racisme subtil, de trahisons comme d'amitiés. Sans flamboyance, Frank Ramos – le détective d'origine mexicaine – se transforme, sous nos yeux, en héros ordinaire de cette Amérique profonde. Intelligent, intuitif, sensible, cultivé, il est totalement dévoré par son métier au point d'en délaisser sa femme. Alors que son partenaire Red connait la félicité en se fiançant rapidement avec une jeune fille rencontrée au cours de l'enquête, Frank voit son couple se déliter. Frederic Brown nous offre alors un nouveau coup d'avance, nous permettant de mesurer, presque de façon indiscrète, tout ce qui sépare les époux Ramos, la tristesse des espoirs du mari, le piège dans lequel se trouve sa compagne.

La bête de miséricorde fait beaucoup penser à Jim Thompson. Ce faux rythme, cette nonchalance d'écriture très étudiée mettent encore plus en valeur les motifs du tueur, le discours religieux avec lequel il habille ses actes pour fuir sa culpabilité et la délivrance inattendue qui lui sera donnée. Loin de l'humour pour lequel Frederic Brown est passé dans l'histoire de la littérature, La bête de miséricorde est un classique lent, profond, sans rapport avec les turpitudes et frénésies actuelles. 

Source : http://polars.cottet.org/K/la_bete_de_misericorde.html
 
Illustration de la page : La mission San Xavier à Tucson

Musique écoutée pendant l'élaboration de cette note : Catherine Riberio + Alpes, une cassette usée jusqu'à la corde de 1970.

lundi 1 mars 2010

Des Racailles au Figaro Magazine

ROMAN

BENOÎT LAUDIER
26/02/2010 

De Vladimir Kozlov.


Au cœur d'une cité sordide de la Russie au temps de la perestroïka, des adolescents désœuvrés imposent leur loi: brutale, glaçante. Faut-il y voir, comme son auteur, «la métaphore d'un peuple énigmatique» ?Le choix d'un langage minimal, vernaculaire, au plus proche des enchaînements de baston et de sexe, éclaire ce roman d'une lumière blafarde. Le caractère destructeur de ses protagonistes y est une réalité aussi âpre à appréhender que le bitume sur lequel pousse l'oppression qu'ils ressentent et l'aveuglement qui les mène à des actes irrévocables.

 Moisson rouge, 271p., 18€. Traduit du russe par Thierry Marignac.

lundi 15 février 2010

Gérard Guégan chronique Racailles dans SUD-OUEST

LIVRE OUVERT

GÉRARD GUÉGAN.

La vie à bout portant


Pour qui aime la littérature sans détester le cinéma, « Racailles », le roman de Vladimir Kozlov, rappellera peut-être, dans l'acuité du regard, « Ils mourront tous sauf moi », le film de Valeria Gaï Guermanika. À ceci près qu'au contraire de la cinéaste, qui lorgne du côté de Nan Goldin, Kozlov s'inscrit, consciemment ou non, dans la tradition romanesque des premiers Soviétiques, Babel et Pilniak, tenants d'un réalisme à ras de terre qui leur coûta la vie. Les temps, heureusement, ont changé. Aucun juge n'expédiera Kozlov à la potence pour avoir, vingt ans après la perestroïka, tiré de cette époque-là - l'époque des grands possibles - une série de portraits-robots plus terrifiants les uns que les autres.

« Racailles » raconte, en effet, la vie en cité d'adolescents tenaillés aussi bien par le sexe que par l'envie de tourner la page du communisme bureaucratique, avec dans le rôle du Candide (mais un Candide qui raffolerait des mots crus) un certain Volodia dont chacun pensera assez vite qu'il doit beaucoup à l'auteur. Comme lui, il est brillant en classe sans croire un seul instant qu'il en tirera, à l'âge adulte, le moindre profit. Un grand crétin, qui a l'avantage sur Volodia d'avoir déjà fait l'amour, le martyrise et l'appelle « Crevard ».

Si tant est donc que Kozlov soit Volodia, eh bien, tout crevard qu'il a pu paraître être, il fait la démonstration avec son roman d'une énergie que plus d'un Français lui enviera. Un exemple.

Dans les premières pages de « Racailles », à côté de Volodia, on aperçoit Igor, le grand frère, pas vraiment méchant mais, d'évidence, promis, quand il aura quitté sa famille, à la dérive, à la casse. Sauf que le pire est toujours plus proche qu'on le pense. « Igor est mort, écrit à la page suivante Kozlov, à la fin de la seconde, au mois de mai. Il buvait du vin avec ses amis au bord de la rivière. Il est allé se baigner et il s'est noyé. »

C'est sec, c'est net, c'est la vie à bout portant. Remarquable.

« Racailles », Vladimir Kozlov, traduit (avec brio) du russe par Thierry Marignac, 272 p., éd. Moisson Rouge, 18 euros.