mardi 30 mars 2010

La Bête sur Polar Noir

La bête de miséricorde

(The Lenient Beast - 1956)
Fredric Brown

par E.Borgers
http://polarnoir.net16.net/livrescr90.html#brown_misericorde


Cette réédition d’un roman noir de Fredric Brown, avec traduction revue, nous replonge dans ces romans de qualité qui ont fait apprécier au plus grand nombre la littérature hard-boiled et noire aux USA, durant les années fin 1940 à 60, et qui touchèrent un vaste public grâce à leurs éditions de poche, bon marché, souvent édition originale du roman (voir à ce sujet notre article : « Tout dans les poches » -dans Polar Noir).

Si Fredric Brown était surtout connu pour ses très nombreuses nouvelles et quelques romans de SF et de fantastique, réputé pour ses « chutes » percutantes et sa concision, ou encore son humour omniprésent allant de l’ironie à un humour plus noir, il fut aussi un très bon auteur de romans noirs, dont La bête de miséricorde. Parmi ses autres romans noirs très bien reçus par le public pour leurs qualités narratives et leur inventivité, rappelons le célèbre « Screaming Mimi » (La belle et la bête) ou encore « The Fabulous Clip Joint » (Crime à Chicago), sa production pourtant importante étant moins commue en Europe pour ce genre de littérature.

C’est dans la chaleur déjà bien marquée du printemps en Arizona, que John Medley, paisible retraité de Tucson, découvre le cadavre d’un homme dans son jardin, victime d’un meurtre sans grand doute. Dans ce quartier pavillonnaire plus que paisible c’est l’étonnement, aussi pour la police et les deux inspecteurs locaux mis sur l’affaire, Frank Ramos et Fern Cahan.

Si l’identité de la victime est assez vite découverte, les motifs qui auraient pu pousser à un meurtre sur sa personne sont loin d’être apparents : il s’agit d’un pauvre hère, rescapé de la guerre en Europe, seul survivant d’un accident de voiture qui a tué sa femme et ses gosses récemment sur les routes nord-américaines.

Les deux inspecteurs ne trouvent aucune piste, ni l’arme du crime, un calibre .22 Short, et si les cercles décrits par leur enquête couvrent bien tous les témoignages possibles et les vérifications d’usage, rien de concret n’est confirmé. Ramos s’entêtera, prêt à suivre des pistes ténues, guidé pat son instinct mais surtout par son obstination habituelle qui ici se heurte au scepticisme de son supérieur et à la résignation trop rapide de son coéquipier.

Pourtant ce sera au bout d’un chemin imprévu et ténébreux que Ramos sera mis face à face avec la vérité. Une vérité équivoque et noire qui mettra à l’épreuve ses notions personnelles de justice et d’humanité.

Roman attachant, La bête de miséricorde bénéficie du style limpide et serré de Fredric Brown, avec des personnages centraux crédibles dans une intrigue riche en psychologie suggérée. L’insouciance de Cahan, l’ultra réactivité de Ramos, d’origine mexicaine et marié à une Blanche, alcoolique de surcroit, qui se détache toujours un peu plus de lui, Mosley ce retraité qui n’a pas de secrets mais qui apparemment n’a surtout pas de passé, tout concoure à nous engluer dans la toile tissée par Brown. Sous le soleil d’Arizona dans une époque (les années 1950) où tout semble facile et transparent.

On notera aussi la construction divisée en chapitres donnant alternativement voix a chacun des principaux protagonistes, chacun faisant plus ou moins suite au précédant pour former le déroulement du récit. Procédé efficace pour créer des ambiances décalées et insolites à partir de ce qui est l’instant présent pour chacun des personnages. Un procédé peu courant dans le roman noir de l’époque, mais qui correspond bien au tempérament et à l’expérience de nouvelliste de Fredric Brown.

Le tout débouchant sur une fin assez imprévue, noire et originale, qui, à notre avis, accentue en force les composantes sombres du récit.

Tout ce que nous en avons dit confirme, faut-il le souligner, que c’est avec plaisir que nous avons revisité La bête de miséricorde, ce roman d’un des petits maîtres du genre, issu d’une époque où 220 pages max., au format des pockets US, suffisaient pour nous fournir des romans originaux, secs, noirs, percutants ou provocateurs.

EB (mars 2010)
(c) Copyright 2010 E.Borgers

jeudi 25 mars 2010


A l'occasion de la sortie de Mississippi Blues de Nathan Singer, les Éditions Moisson rouge accompagnées d'acteurs amateurs organisent une brève manifestation théâtrale et littéraire au salon du livre de Paris. Plusieurs saynètes tirées de l'ouvrage seront jouées le Dimanche 28 mars après-midi dans les allées du salon.

http://www.salondulivreparis.com

jeudi 18 mars 2010

Premier chapitre de La bête de miséricorde de F. Brown

Petit cadeau bonus, ce premier chapitre exemplaire, "un modèle du genre" (k-libre) qui aurait pu être une très bonne nouvelle à lui tout seul.
C'est ici.

mercredi 10 mars 2010

La bête de miséricorde (1956) aux Éditions Moisson Rouge (2010)

Tiré du blog "Le  vent sombre"


Tucson, Arizona. Un homme découvre un cadavre dans son jardin, tué d'une balle dans la tête. Les enquêteurs dépêchés sur place ne trouvent aucun indice exploitable, mais l'un d'eux réussit à identifier le mort. Rescapé d'Auschwitz, immigré ensuite au Mexique et ruiné à la mort de son père, il était arrivé depuis peu avec sa famille pour tenter de refaire sa vie, mais avait perdu femme et enfants, quelques semaines plus tôt dans un accident de voiture.

Les jeunes Éditions Moisson Rouge ont inscrit à leur catalogue cette Bête de miséricorde de Frederic Brown, l'un des très grands romanciers de SF des années 40 et 50, qui ne rechignait pas non plus à produire de superbes textes noirs. Je retrouve donc ici avec plaisir ce compagnon d'adolescence, dans une nouvelle traduction d'Emmanuel Pailler. Ce dernier précise ses intentions dans la préface : restituer la précision, la concision, la sécheresse parfois de l'écriture de l'auteur de Night of the Jabberwock et de Martians, go home !, dissimulées sous les versions fantaisistes ou lyriques des années 50.

la-bête-de-miséricorde
La bête de miséricorde obéit à un plan original. Il s'agit d'une enquête à la Colombo [1] où nous connaissons assez tôt le meurtrier, mais pas ses motifs. Placés dans cette situation d'observateurs, nous pouvons suivre avec un autre regard les difficultés qu'éprouvent les enquêteurs pour remonter jusqu'à lui.

Le changement de narrateur à chaque chapitre permet à Brown de ne pas se cantonner à cette traque difficile. Le roman devient vite la chronique d'une ville de province, avec son lot d'alcool, de déprime, de racisme subtil, de trahisons comme d'amitiés. Sans flamboyance, Frank Ramos – le détective d'origine mexicaine – se transforme, sous nos yeux, en héros ordinaire de cette Amérique profonde. Intelligent, intuitif, sensible, cultivé, il est totalement dévoré par son métier au point d'en délaisser sa femme. Alors que son partenaire Red connait la félicité en se fiançant rapidement avec une jeune fille rencontrée au cours de l'enquête, Frank voit son couple se déliter. Frederic Brown nous offre alors un nouveau coup d'avance, nous permettant de mesurer, presque de façon indiscrète, tout ce qui sépare les époux Ramos, la tristesse des espoirs du mari, le piège dans lequel se trouve sa compagne.

La bête de miséricorde fait beaucoup penser à Jim Thompson. Ce faux rythme, cette nonchalance d'écriture très étudiée mettent encore plus en valeur les motifs du tueur, le discours religieux avec lequel il habille ses actes pour fuir sa culpabilité et la délivrance inattendue qui lui sera donnée. Loin de l'humour pour lequel Frederic Brown est passé dans l'histoire de la littérature, La bête de miséricorde est un classique lent, profond, sans rapport avec les turpitudes et frénésies actuelles. 

Source : http://polars.cottet.org/K/la_bete_de_misericorde.html
 
Illustration de la page : La mission San Xavier à Tucson

Musique écoutée pendant l'élaboration de cette note : Catherine Riberio + Alpes, une cassette usée jusqu'à la corde de 1970.

lundi 1 mars 2010

Des Racailles au Figaro Magazine

ROMAN

BENOÎT LAUDIER
26/02/2010 

De Vladimir Kozlov.


Au cœur d'une cité sordide de la Russie au temps de la perestroïka, des adolescents désœuvrés imposent leur loi: brutale, glaçante. Faut-il y voir, comme son auteur, «la métaphore d'un peuple énigmatique» ?Le choix d'un langage minimal, vernaculaire, au plus proche des enchaînements de baston et de sexe, éclaire ce roman d'une lumière blafarde. Le caractère destructeur de ses protagonistes y est une réalité aussi âpre à appréhender que le bitume sur lequel pousse l'oppression qu'ils ressentent et l'aveuglement qui les mène à des actes irrévocables.

 Moisson rouge, 271p., 18€. Traduit du russe par Thierry Marignac.