samedi 24 avril 2010

Yann Le Tumelun, sur Moisson noire, chronique Mississippi Blues

Nous sommes en 2001. Un soir, Eli apprend la mort accidentelle de sa femme. Fou de douleur, il s'enfuit dans les rues, court, hurle, et s'évanouit. Avant de se réveiller au Mississipi en... 1938. Il ne le sait pas encore, mais il vient d'emprunter l'un des nombreux "couloirs du temps".

Complètement désorienté, Eli se familiarise peu à peu avec son nouvel environnement et avec quelques-uns des habitants. Il trouve une place à la pension de Mme Durning et la journée, travaille avec d'autres ouvriers dans les champs de coton.

Durant son "séjour", il va faire la connaissance d'Ella, une jeune servante noire qui ressemble trait pour trait à la femme qu'il vient de perdre, et du légendaire blues man Howlin Wolf. Lui aussi a déjà voyagé dans le temps, et il met en garde Eli contre "Eux" : des êtres maléfiques et sournois qui forment la police du temps et poursuivent sans relâche les voyageurs "égarés".



Avec très peu de détails, l'auteur fait revivre le Sud ségrégationniste. On sent la poussière, la chaleur, la sueur après le labeur dans les champs. La vie est dure, encore plus pour les Noirs, brimés, asservis, quand ils ne sont pas pourchassés et lynchés, se balançant comme d'étranges fruits aux branches d'un arbre. Bientôt la révolte gronde, et les bagarres de 1938 font échos aux émeutes du quartier de Watts, à Los Angeles en 1965...

Bien-sûr, ce roman est aussi un hymne au blues du Delta, le blues originel, profond, archaïque, râpeux, celui des Robert Johnson, Big Mama Thornton, Skip James, Memphis Minnie, Son House..., autant de grandes figures que Nathan Singer convoque pour le plus grand plaisir des amateurs de "musique du diable".


Sur le plan formel, on retrouve quelques similitudes avec Prière pour Dawn, notamment la structure éclatée du récit et une histoire racontée à plusieurs voix, ici à partir des journaux intimes des différents protagonistes - Eli, Ella et l'énigmatique Jerôme Kinnae, qui sillonne le Temps et vend ses services à d'autres "voyageurs".
Mais alors que Prière pour Dawn avait tendance à s'éparpiller et à abuser d'effets stylistiques, Mississipi Blues garde une unité ainsi qu'une relative sobriété.

Il est juste dommage que le dénouement soit un peu rapide, pas assez "appuyé" - l'épilogue n'en est pas vraiment un d'ailleurs, plutôt une postface de l'auteur racontant la genèse du roman.
Hormis cette petite réserve, ce Mississipi Blues joliment scandé ne m'a pas lâché. Un petit bijou et un texte aussi iconoclaste qu'enchanteur, où le fantastique flirte savamment avec le polar.

Mississipi Blues / Nathan Singer (Chasing the wolf, 2006, trad. de l'américain par Laure Manceau. Moisson Rouge, 2010)

mercredi 14 avril 2010

LECTURE / CARTOUCHE

       "Ce n’est évidemment pas parce que Thierry Marignac nous a fait l’honneur de la page suivante que nous invitons le lecteur à se précipiter sur son dernier livre. C’est tout simplement parce que nous considérons que Marignac est probablement ce que le genre noir a produit de plus original en France depuis la génération des Manchette et des A.D.G. Et c’est parce que Le pays où la mort est moins chère est un concentré du meilleur Marignac : un vrai cocktail Molotov, composé de nouvelles qui allient une vision carrément désespérante du monde moderne à une sorte de mélancolie ontologique. Le résultat n’est pas très gai, on s’en sera douté, mais il est cependant roboratif. Et il est roboratif parce que la vérité des êtres et des choses de ce temps, fût-elle excessivement atroce, est forcément plus roborative que leurs simulacres lénifiants, et que lire Marignac vaut paradoxalement tous les antidépresseurs. Cela tient à la vitesse, à la violence et à l’énergie du style, à un vrai génie de l’image et de l’ellipse, dont il faudrait peut-être remonter au premier Morand, celui de Fermé la nuit et de L’Europe galante, pour retrouver l’équivalent dans la littérature française. On ne peint pas le chaos avec la plume d’Anatole France. Marignac, lui, écrit au chalumeau et fignole au laser. Ça décoiffe."
M.M.

Thierry Marignac,
Le pays où la mort est moins chère,

Moisson rouge
144 p., 15€.

À cheval sur le voyage

Par Christophe Dupuis,

K-Libre  

           Eli Cooper, vingt-sept ans, artiste new-yorkais encensé par la critique qui l'a étiqueté "néo post-impressioniste", foudroyé par l'annonce de la mort de sa femme (un accident de scène à Broadway où elle a été écrasée par une poulie qui s'est détachée du plafond), tombe dans une faille temporelle qui le projette le 10 juillet 1938 au Mississippi. Commence alors pour lui une bien étrange errance marquée par un travail de forçat à la ferme (ça change de l'art !), la vision directe de la ségrégation (bienvenue au Mississippi !) et le refuge dans une petite pension où la jeune servante noire n'est autre que... la réincarnation de sa femme !
Au début du roman, on peut se demander pourquoi Nathan Singer (l'auteur de l'inimitable Prière pour Dawn chez le même éditeur) ne pose pas directement son histoire en 1938... Mais bien rapidement, cela prend toute sa dimension et, une fois de plus – mais dans un genre radicalement différent de son premier roman –, cela force l'admiration. Le Mississippi de l'époque est parfaitement rendu : architecture, poussière, chaleur, ségrégation, émoi à l'écoute des disques... Et, avec une narration très fluide (tout est toujours rythmé par la mise en page et le travail sur la ponctuation), Nathan Singer vous emmène aux confins du blues. Le roman se lit d'une traite, vous tremblez, êtes effarez... encore un sacré morceau de bravoure !

http://www.k-libre.fr/klibre-ve/index.php?page=livre&id=786


lundi 5 avril 2010

 Vladimir Kozlov, auteur de Racailles, dédicacera son livre à la Librairie du Globe ( 67 boulevard Beaumarchais 75003 PARIS) le JEUDI 8 AVRIL à partir de 19h... Venez nombreux