vendredi 9 septembre 2011

Mauvaise année pour Miki de José Ovejero chroniqué par Jean-Marc Laherrère


Suite de la rentrée littéraire avec un roman intéressant, même s’il n’a pas le même impact que le Stuart Neville. Il faut dire que le sujet s’y prête moins, beaucoup moins. Mauvaise année pour Miki de José Ovejero ou l’attraction du vide.
Ovejero
« 2001 fut une mauvaise année pour Miki ». Ainsi débute le roman, on ne peut mieux le résumer. Miki a une vie peut-être ennuyeuse mais rangée. Spécialiste économique il écrit dans des revues et intervient dans un programme radio une fois par semaine. En quelques semaines, son fils se tue en voiture d'une façon absurde et sa femme est violée et assassinée. Alors que la police patauge pour retrouver l'assassin, Miki continue ses activités comme si de rien n'était, s'isolant de plus en plus, passant son temps à jouer sur son ordinateur et à regarder des films pornos … S'enfonçant peu à peu dans la déprime, sans s'en rendre compte.

Etonnant roman, qui décrit le vide de certaines vies modernes de façon clinique. Miki ne réagit pas, ne fait rien, s'enferme de plus en plus chez lui refusant, au maximum, le contact avec les autres. Une réclusion aggravée par son métier qui consiste à étudier la bourse et conseiller des lecteurs ou des auditeurs. L'étude d'une entité désincarnée, sans autre réalité que les chiffres qu'elle brasse, au service de personnes que Miki ne voit jamais et sans jamais se poser de questions.

Une vie entière qui peut se mener seul, sans contact réel, sans contact avec le réel, et qui mène, sans recours, à la folie. Malgré ce vide, malgré le manque d'envie ou de sentiments de Miki, on suit sa déchéance sans ennui. C'est là le tour de force de ce roman étonnant.

José Ovejero / Mauvaise année pour Miki (Un mal año para Miki, 2003), Moisson rouge (2011), traduit de l’espagnol par Marianne Millon.

mardi 6 septembre 2011

MAUVAISE ANNEE POUR MIKI, de Jose OVEJERO

Sortie le 8 septembre

Chronique de Claude Le Nocher
http://action-suspense.over-blog.com/

OVEJERO-2011Publié en septembre 2011 aux Éditions Moisson Rouge, le roman de José Ovejero Mauvaise année pour Miki nous entraîne en Espagne. Miki est un expert financier âgé de 43 ans. Il vit à Madrid avec son épouse Verena et leur fils Boris, jeune adulte. N’ayant aucun souci d’argent, il se contente d’écrire des articles sur l’économie, et d’animer une émission de radio hebdomadaire. Chaque semaine, il prodigue analyses et conseils en placements. Par ailleurs, il ne quitte guère sa belle maison excentrée, en tête-à-tête avec son ordinateur. C’est un amateur de jeux vidéos et de sites pornos. Miki se sait peu attentif envers son épouse, et laisse une grande autonomie à son fils. Il a perdu ses parents dans un accident de voiture à l’âge de sept ans, époque de ses tous premiers souvenirs. Miki assume son caractère introverti. S’il n’affiche jamais ses sentiments, il se montre fort convaincant dès qu’il s’agit de finances.
Début 2001, son fils Boris est victime d’un mortel accident de voiture. Une mort atroce, alors que ses passagers sont saufs. Personne n’est capable d’élucider la cause du drame. L’alcool et la drogue prise la veille n’expliquent rien, d’autant que le jeune homme conduisait raisonnablement. Juste la fatalité. Quelques semaines plus tard, Verena est retrouvée morte dans un parc madrilène. Elle a été violée et assassinée sans témoin, bien qu’il s’agisse d’un lieu fréquenté. Ce second évènement ne semble pas ébranler Miki plus que la mort de son fils. Il ne tarde pas à reprendre son émission à la radio. S’il ne répond plus au téléphone et évite les achats à l’extérieur, il ne peut refuser une invitation de ses beaux-parents. Il n’a pas d’affinités, ni de peine, à partager avec eux.
Miki pourrait se laisser tenter par sa collègue de la radio, Lucía. Certes, ils ont une relation sexuelle, mais il conserve ses distances. Il est contacté par Mónica, la petite amie de Boris. Elle se trouvait avec lui et des amis dans la voiture, lors de l’accident. Miki trouve Mónica très excitante, mais la jeune fille ne semble pas chercher d’intimité avec le père de Boris. À la radio, Miki joue à l’économiste décomplexé, ce qui lui vaut une offre pour faire de la télé. Traînant dans le parc où Verena fut tuée, Miki est impliqué dans un incident à cause d’une prostituée. On lui parle d’un détective privé, qui n’a rien à voir avec l’image sombre de sa profession. Il serait plus efficace que la police pour découvrir l’assassin de Verena, mais Miki ne va pas donner pas suite. Bien que Lucía reste insistante, il espère encore que Mónica se laissera séduire…
 
Puisqu’il y est question d’un meurtre avec viol et d’un accident mal élucidé, on peut classer cette histoire parmi les romans criminels. Le meurtrier de Verena est identifié, et les conditions de la mort de Boris sont établies. Néanmoins, ce n’est pas ce qui importe en priorité. Tout repose sur le caractère de Miki. Car ce personnage évolue dans cette bulle d’insensibilité qu’il a créé, qui le protège des sentiments et de la vie extérieure. Ce qu’il exprime n’est pas une froideur, mais une perpétuelle distance envers tout le monde. Il avoue avoir, dans les semaines suivant le double drame, déjà occulté son épouse et son fils. Pour autant, il n’a rien de monstrueux, il n’est pas exempt de faiblesses, mais doit-on le trouver attachant ? Peu d’effets spectaculaires, mais une psychologie convaincante qui garantit une certaine originalité à ce roman. L’auteur nous propose un portrait subtil, nuancé, d’un héros glissant sur la pente de son égocentrisme.