mercredi 13 juillet 2011

La chronique de Clémentine Thiébaud, sur Noir comme Polar

Des trous dans le réel
08-07-2011


Federico Vite 
Apportez-moi  Octavio Paz



Nadia Polkon, une veuve diaphane. Rogelio, son fils. Retrouvé mort, un coup sévère porté à la tête. Parce que l'affaire captive, qu'il faut un coupable idéal, instantané, la mère est accusée d'infanticide avec la complicité du légiste. L'essentiel étant de donner une version plausible de l'assassinat. Le commandant Ojeda, lui, se dit qu'elle ferait une muse parfaite pour le roman qu'il voulait écrire depuis si longtemps. Inspiré par la femme, rasséréné par la maxime de Picasso - "un artiste emprunte, un génie plagie" - Ojeda entame son grand œuvre qui croit tel un "Frankenstein crée par un cordonnier", à grand renfort de phrases piochées dans les livres de sa bibliothèque. Avant de se demander à quoi pouvait bien rimer une histoire racontée par un "apprenti poète devenu commandant de police judiciaire". Il décide donc de s'offrir les services d'un professionnel. Ojeda fait kidnapper l'intouchable Octavio Paz, unique prix Nobel mexicain.
Chantages, compromissions, corruption, collusions, pannes, violences arbitraires, cynisme et désespoir débridés dans un court récit aux airs de conte noir, absurde et cinglant. La veuve d'Ocatvio Paz aurait d'ailleurs obtenu le retrait de la vente de tous les exemplaires du livre au Mexique, "considérant qu'il faisait du tort à son défunt* mari."
 Clémentine Thiebault

* Nota Bene afin d'éclaircir un point (de détail certes) se rapportant à ce roman se jouant des frontières entre fiction et réalité (Paz a vraiment existé !), dans le but (louable) de ne pas en entraver la lecture, après celle de cette chronique : Le fait, avéré, qu'Octavio Paz soit décédé (et il n'y a pas que Wikipédia qui l'affirme) ne signifie pas nécessairement qu'Ojeda l'ai tué. Qu'on ne vous laisse pas craindre l'impair d'un critique indélicat qui vous dévoilerait la chute au détour négligé d'une phrase anodine, même si là n'est pas l'objet de ce récit mezcalien radicalement aux antipodes du whodunit. Il fallait que ce soit dit.