jeudi 28 octobre 2010

Chronique de la Mala Espera par Sophie Di Ricci


L'intraduisible titre du roman chuchote au lecteur : tu ne m'auras pas aussi facilement. Mala Espera, mauvaise attente, mauvaise promesse. Un serment qui coûte cher. Pernicieux. Mais il y a la lumière du espera, que les Français ressentiront. Un espoir, donc. Qui fait mal.

J'ai rarement lu un livre semblable à la Mala espera.
Aussitôt, l'auteur amène le lecteur dans l'économie souterraine que côtoie son héros, Nene, immigré argentin sans-papier dans un Madrid qui refroidira les amateurs d'exotisme ibérique. Le ciel y est couvert, la pluie menace. Les lieux sont souterrains, les personnages cloîtrés, dans des espaces que l'on imagine exigus, sombres, hostiles, rances. Un bar miteux. Un appartement sans âme. Les couloirs du métro. Une clinique où l'on ne voudrait jamais se réveiller, après un accident.
Là-dedans fourmillent trafiquants, figures locales, proxénètes, paumés, bras armés, petits soldats. On devine les ordres tacites, les relations hiérarchiques omniprésentes mais tues, car évidentes, la survie, et son revers, la mort. Pas de commisération, ni de stéréotypes. Nene n'est pas un martyr. Nene est un clandestin. Point à la ligne. On le suit dans ses courses. Va chercher la coke, transporte la coke, tais-toi, surveille, file ce mec, rends-toi ici, rencontre machin. Voilà ce que tu dois faire. Ce que tu ne dois pas faire, inutile de le dire, tu le sais très bien.

La Mala Espera est le roman du non-dit.
L'histoire s'y construit de façon doucereuse. D'ailleurs, les dialogues y sont rares. Les personnages s'expriment dans des phrases lapidaires, souvent dénuées d'argot et de jurons. On ne s'insulte pas. On se parle très peu. Tout semble transmis à mots couverts. Le plus long dialogue du roman se déroule... sur internet, sur un forum de discussion. Et là encore, l'intrigue est annoncée par une devinette. Une devinette mesquine, lâche et idiote. Une devinette qui n'est pas faite pour être comprise.
Doucereuse.
Puis, contre toute attente, explose le non-dit. Le retour du refoulé. En pleine gueule. Par les gestes – violents – les mots, le message, détonnent. Nene se retrouve dans la merde. Profondément dans la merde. Les déguisements, les atours, s'évaporent. Les coups pleuvent et le goût du sang s'installe dans la bouche. Pour longtemps.

Nene engage alors une course solitaire, parfois absurde, pour survivre. Et pour comprendre. L'enjeu de ce livre est avant tout intellectuel. Au lecteur d'accompagner le jeune homme dans ses questionnements. Et d'assister à la révélation finale, vengeance ultime dans laquelle il ne jouera pas le beau rôle.
C'est l'histoire du pantin, et des mains inattendues qui tirent sur les fils.

On l'aura compris, La Mala Espera ne se lit pas sans réfléchir.
Onirique, abstrait, singulier, quoique haletant et imprévisible, le roman de Marcelo Lujàn est une œuvre cruellement subtile.

Sophie Di Ricci

lundi 18 octobre 2010

« LES MÉMOIRES DU POISSON ROUGE »

Les éditions Moisson rouge lancent une chronique littéraire bi-mensuelle confiée à l'excellent M. Ditroy qui nous fera part , chaque deux semaine, sur ce blog, d'une lecture marquante (ou pas), d'un roman récent (ou pas). Toutes les protestations et/ou insultes sont  à transmettre directement à notre bureau de réclamation à Moscou.


« LES MÉMOIRES DU POISSON ROUGE »

Chroniques d'un liseur

Quand Hector Paoli et Guillaume Vittu m'ont proposé de tenir une chronique pour le site de Moisson Rouge, j'ai tout de suite répondu avec enthousiasme par l'affirmative. Puis j'ai longuement réfléchi, et je suis parti me ressourcer sur le yacht d'un ami milliardaire où j'ai pris le temps de m'investir de la fonction.

Ce que je souhaite avant tout, c'est vous faire part de mon expérience de “liseur”, vous raconter les joies et les peines d'un amateur de bouquins. Aussi vais-je tenter, à travers mes souvenirs de liseur, de vous parler de ma “bibliothèque idéale”, bien modeste au demeurant, et tenter de vous faire part de mon enthousiasme et de mes coups de cœur pour des livres, récents ou pas, de chez Moisson Rouge ou pas.

Je ne suis pas du métier : ni lecteur pour le compte d'une maison d'édition, ni journaliste, ni écrivain. Juste quelqu'un qui achète ses livres et qui les lit. Ce qui compte ici, c'est avant tout le plaisir de lire. Mon but n'est pas de me transformer en critique, on en trouve bien assez comme ça, d'autant que dans les  critiques, il y a essentiellement des cris et des tics, qui sont assurément des choses détestables. 


EPISODE 1 

Les éditeurs de chez Moisson Rouge m'ayant fait l'honneur de m'offrir une rubrique en me laissant l'entière liberté du choix de mes sujets, je vais donc commencer par vous parler d'un bouquin ou plutôt deux, qui n'ont pas été publiés par leurs soins, puisque cette jeune maison n'existait pas encore au moment de leur parution :

« Porno » d'Irvine Welsh :

Comme tout lecteur dilettante, je suis plutôt paresseux.
 Par conséquent, ce qui m'attire dans un bouquin, c'est la facilité d'accès à l'histoire, être tout de suite dans le bain (d'ailleurs, je lis souvent dans mon bain). Il m'est pénible, comme à bon nombre d'entre vous j'en suis sûr, de devoir me farcir cinquante pages fastidieuses avant de savoir de quoi il retourne...
 Quand je suis tombé sur « Porno », sympathique pavé dont le titre m'a tout de suite plu (allez savoir pourquoi), j'ai eu le plaisir de découvrir qu'il s'agissait de la suite de « Trainspotting », fameux pour le film qui en a été tiré par Danny Boyle en 96, et qui a par ailleurs révélé au monde l'immense talent d'Ewan Mc Gregor et de Robert Carlyle.
 Petit dépoussiérage : « Trainspotting » raconte les aventures tragi-comiques d'une bande de toxicos écossais, dans les quartiers les moins touristiques de l'Edimbourg des années quatre-vingt. Vous le trouverez en dévédé chez tous les soldeurs du monde, et rien que pour la B.O, c'est un petit chef d'œuvre. (Quant au livre, essayez les bouquinistes en ligne...)
 Dans « Porno », c'est dix ans plus tard qu'on retrouve Mark Renton, heureux associé d'une boîte de nuit super branchée d'Amsterdam, le nez toujours plein, et maqué avec une somptueuse créature...  Comme il a des trucs à régler, il décide de retourner faire un tour sur ses anciens lieux de villégiature, au bout de ce qu'il pense être un délai raisonnable de prescription.
 Sick Boy, le dandy spécialiste de James Bond, vient tout juste d'hériter d'un pub pourri, véritable palais de la seringue fréquenté par tous les zonards et surveillé de très près par les flics. En homme d'affaires avisé, il décide d'installer un plateau de tournage de films pornos au premier étage. Toujours aussi peu encombré de scrupules, il recrute sa copine, une étudiante gâtée et revenue de tout, pour y jouer la vedette principale, entourée d'une bande de bras (...) cassés.
 De son côté, Spud, le plus camé de tous, authentique junkie incapable de se débarrasser de ses démons et encore moins de parer à ses faiblesses, essaie pour cause de paternité, de transformer sa vie en quelque chose de pas trop proche du désastre... C'est le moment idéal que choisit l'administration pénitentiaire écossaise pour libérer un Begbie définitivement transformé en psychopathe.
 Je vous laisserai découvrir comment tout ce joli monde se rencontrera à nouveau et les suites explosives de leurs retrouvailles, en tout cas, pour ma part, j'ai passé un vrai moment de bonheur à lire ce roman.
 Ironique à souhait, aussi drôle qu'on pouvait l'espérer et pourtant profond, « Porno » n'a pourtant pas rencontré le succès, et le deuxième volet de l'histoire de ces pieds-nickelés reste malheureusement ignorée de la plupart de ceux qui ont vu le film.
 Peut-être parce qu'il n'a jamais été adapté au cinoche, et sûrement parce que tous ou presque (et moi le premier) ignoraient qu'au départ « Trainspotting » était un roman d'Irvine Welsh...
 Du coup, je vais aller le relire.

vendredi 15 octobre 2010

La grande ville plante carnivore, lieu d'intégration

Entretien croisé entre Sophie Di Ricci (Moi comme les chiens) et Marcelo Luján (La Mala Espera).

Sophie Di Ricci :

Ai-je plus de chance de trouver ma place dans une localité de quinze mille habitants, ou dans une agglomération de cinq cent mille, un million, dix millions d’âmes ? La multiplication des êtres promet la multiplication des possibilités. La grande ville où se déroule le roman est anonyme. Cela peut être Paris, Lyon, Saint-Etienne, Lille… Au lecteur de faire son choix. Ou de ne pas le faire.
Quand j’ai entamé la rédaction du roman, Lyon, où je réside, se métamorphosait. La disparition progressive des industries en ville avait suscité d’immenses friches. Comme partout, beaucoup de vieux immeubles d’habitation  furent rasés. Un gigantesque chantier colonisait ces espaces déblayés par la modernité. Dans le 7ème arrondissement, ils franchissaient le périphérique, et il était encore difficile de distinguer la banlieue de Lyon. Je les savais condamnés à disparaître, et j’ai voulu dire la victoire des herbes folles, la survivance des usines vétustes, les graffitis sur les façades friables, et les voies de chemins de fer, dépouillées, offertes au regard, avant qu’on ne les dissimule derrière les murs anti-bruit… Mais Lyon ne détient pas le monopole de cette triste poésie.


Marcelo Luján :

Où sévissent les voleurs de rue ? Où déambulent les clochards ? Où atterrissent ceux qui traversent la mer sur de frêles embarcations ? Où trouve-t-on le plus de prostituées, de gigolos, de dealers ? Où peut on se faire tuer sous n’importe quel prétexte idiot ?

C’est dans l’écosystème unique déployé par une métropole de cinq ou dix millions d’habitants que se trouve l’origine de son pouvoir d’attraction. Les possibilités infinies, bien qu’elles soient toutes potentielles, continuent d’alimenter l’âme des illusions les plus utopiques. Si tu n’as rien, ici tu peux tout avoir ; si tu n’es personne, ici tu peux être qui tu veux.
Mais à quel prix ?

Pour survivre dans une mégalopole de ce type, il faut avoir un bon instinct, un peu de chance, et beaucoup de vigilance. 

 ...lire la suite


http://www.moisson-rouge.fr/moicommeleschiens
http://www.moisson-rouge.fr/lamalaespera

mardi 12 octobre 2010

Dédicace à la librairie Au bonheur des ogres à Lyon

Venez rencontrer Sophie Di Ricci, qui dédicacera son roman Moi comme les chiens,
à la librairie Au Bonheur des Ogres à Lyon le samedi 16 octobre à partir de 15h !
http://www.aubonheurdesogres.com/librairie/Accueil.html


lundi 11 octobre 2010

Crêpes entre amis, l'épisode 4 de la série littéraire urbaine "Les Caillera ne sont pas de mauvais Anges"


Lire l'épisode et s'abonner à la série sur: http://www.lesangesshabillentencaillera.com/

mercredi 6 octobre 2010

CE SOIR



Roman noir et théatre d'impro et bière pas trop chère et vins naturels
Venez rencontrer Sophie Di Ricci, vous faire dédicacer un exemplaire de Moi comme les chiens, regarder des matchs d'impros sur des thèmes du polar et boire une boire ou un verre de vin naturel aux Combustibles !
Les dix premiers à se faire dédicacer un exemplaire auront le droit à un livre neuf ET un badge !