vendredi 15 octobre 2010

La grande ville plante carnivore, lieu d'intégration

Entretien croisé entre Sophie Di Ricci (Moi comme les chiens) et Marcelo Luján (La Mala Espera).

Sophie Di Ricci :

Ai-je plus de chance de trouver ma place dans une localité de quinze mille habitants, ou dans une agglomération de cinq cent mille, un million, dix millions d’âmes ? La multiplication des êtres promet la multiplication des possibilités. La grande ville où se déroule le roman est anonyme. Cela peut être Paris, Lyon, Saint-Etienne, Lille… Au lecteur de faire son choix. Ou de ne pas le faire.
Quand j’ai entamé la rédaction du roman, Lyon, où je réside, se métamorphosait. La disparition progressive des industries en ville avait suscité d’immenses friches. Comme partout, beaucoup de vieux immeubles d’habitation  furent rasés. Un gigantesque chantier colonisait ces espaces déblayés par la modernité. Dans le 7ème arrondissement, ils franchissaient le périphérique, et il était encore difficile de distinguer la banlieue de Lyon. Je les savais condamnés à disparaître, et j’ai voulu dire la victoire des herbes folles, la survivance des usines vétustes, les graffitis sur les façades friables, et les voies de chemins de fer, dépouillées, offertes au regard, avant qu’on ne les dissimule derrière les murs anti-bruit… Mais Lyon ne détient pas le monopole de cette triste poésie.


Marcelo Luján :

Où sévissent les voleurs de rue ? Où déambulent les clochards ? Où atterrissent ceux qui traversent la mer sur de frêles embarcations ? Où trouve-t-on le plus de prostituées, de gigolos, de dealers ? Où peut on se faire tuer sous n’importe quel prétexte idiot ?

C’est dans l’écosystème unique déployé par une métropole de cinq ou dix millions d’habitants que se trouve l’origine de son pouvoir d’attraction. Les possibilités infinies, bien qu’elles soient toutes potentielles, continuent d’alimenter l’âme des illusions les plus utopiques. Si tu n’as rien, ici tu peux tout avoir ; si tu n’es personne, ici tu peux être qui tu veux.
Mais à quel prix ?

Pour survivre dans une mégalopole de ce type, il faut avoir un bon instinct, un peu de chance, et beaucoup de vigilance. 

 ...lire la suite


http://www.moisson-rouge.fr/moicommeleschiens
http://www.moisson-rouge.fr/lamalaespera

Aucun commentaire: