vendredi 24 juin 2011

Extrait : Apportez-moi Octavio Paz ; Federico Vite

Les photographes se disputaient l’expression la plus sadique du visage d’un homme grand et chétif, dans l’espoir de prendre une série de grimaces diaboliques. 
Varguitas, le médecin devenu meurtrier, se mit à pencher la tête et à émettre des petits bruits d’autant plus inaudibles que le commandant Rodríguez se servait du micro pour magnifier la conférence et intensifier sa voix de solennel serviteur public responsable, mais il eut rapidement l’air de commenter un défilé de mode, car de temps à autre, il efféminait son discours et insistait sur la qualité morale de l’individu et son accoutrement. 
Les reporters se contentaient d’injurier Varguitas d’un qualificatif peu journalistique : couille molle. Lorsqu’ils présentèrent Nadia le silence fut profond, comme extrait d’une veillée funèbre, elle apparut sans défense et vaguement détachée d’elle-même, elle mentionnait avec euphorie qu’elle était prête à expier sa faute, ce qui contrastait totalement avec les premières versions de la suspecte. Un des chroniqueurs se chargea de lui demander comment elle cachait si bien les pensées perverses qu’elle renfermait ? 
Les questions s’accumulèrent devant le visage de madame Polkon tandis que le commandant Rodríguez regardait avec stupeur la prévenue présenter une figure béate. Une douceur inhabituelle sortit de la bouche de l’accusée, des phrases isolées qui gagnèrent en cohérence à mesure qu’augmentait le volume de son laïus :
— Hier, un esprit est venu me dire que notre fils était condamné à vivre entre la vie et la mort parce qu’il s’était suicidé. 

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