samedi 17 mai 2008

... et il n'est pas content (3)

Le Drappier coule toujours à flots dans les locaux d'ILK (I like kolkhoze) tandis qu'en enfer on semble préférer le Jack Daniel's. Suite des aventures infernales de Lilith, Télémaque et leurs auteurs... morts.

— Et tu as accepté le PCV ? Un PCV de l’Enfer ? Mais ça va nous coûter bonbon… La comptable va péter les plombs !
Télémaque avait l’air furieux et angoissé, perdu dans les mille plateaux de cette matinée irrationnelle.
— Qu’est ce que t’en sais, toi, du prix d’une communication avec l’Enfer ? objecta Lilith. Tu reprends du Drappier ?
— Ouais, passe moi un Molexil aussi….
— J’en ai plus dit Lilith en cachant le tube vert bourré de barrettes blanches dans son décolleté vintage. C’était un haut en dentelle noire de 1942, très cocktail au Lutetia en compagnie de Doriot, Junger et des p’tits gars de la Carlingue, tout ça pour la somme dérisoire de quatre mille deux cent cinquante sept euros sur ebay et après des enchères enragées contre une gonzesse qui se disait la nièce du président Laval et qui aurait connu un éphémère succès yéyé dans les sixties avec un 45 tours intitulé « Viens voir les miliciens ! »
Télémaque se passa les mains sur le visage puis invoqua les mânes de Deleuze et Guatarri pour sauver ILK (I like kolkhoze pour les initiés) de la débâcle financière et du vent de folie qui semblait souffler dans les bureaux. Il essaya de mettre ses idées en ordre, ce qui est toujours très dur pour un partisan de l’antipsychiatrie.
Il se leva, tenta de plonger sa main dans les seins de Lilith pour récupérer le Molexil. Elle le repoussa en arrière, il retomba sur son siège directorial.
— Et comment tu sais que c’était Robert Bloch ?
— Parce qu’il me l’a dit…
— Il parlait anglais ?
— Non, serbo-croate… Bien sûr qu’il parlait anglais, eh, pomme !
— Et pourquoi il n’était pas content ? Elle est pourtant chiadée notre réédition de La Starlette infernale, non?
— En fait, il a juste eu le temps de dire qu’il n’était pas content, que c’était la croix et la bannière pour trouver une cabine téléphonique en Enfer, que ce rat de Fredric Brown lui avait passé de la monnaie en échange de trois bouteilles de Jack Daniel’s, qu’il se brûlait les pognes avec l’écouteur, qu’il fallait que je me magne les fesses d’accepter le PCV et que c’était quand même malheureux que les portables ne passent pas, tout ça parce que Belzebuth a été incapable d’acheter les âmes des opérateurs de téléphonie mobile qui sont encore plus diaboliques et malhonnêtes que tous les démons réunis. Et puis ça a coupé brutalement et une odeur de soufre a flotté dans mon burlingue. Sans charre, va voir Télémaque, c’est irrespirable…
Télémaque huma l’air du nez et dubitatif demanda :
— Il y a du Jack Daniel’s en Enfer ?
— Des cabines téléphoniques aussi, apparemment…Et des auteurs de polar, mais tu me diras que c’est moins surprenant … dit Lilith en achevant la bouteille de Drappier.
— Qu’est-ce qu’on fait maintenant ?
— On ouvre une autre boutanche ?
— Non, je veux dire à propos de Robert Bloch ?
— On n’a qu’à attendre qu’il rappelle pour savoir ce qu’il veut exactement. De toute façon, il ne peut pas nous faire de mal là où il est.
Ce fut à ce moment précis qu’un bruit terrifiant vint de la kitchenette, immédiatement suivi d’un cri atroce.

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