(The Lenient Beast - 1956)
Fredric Brown
par E.Borgers
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Cette réédition d’un roman noir de Fredric Brown, avec traduction revue, nous replonge dans ces romans de qualité qui ont fait apprécier au plus grand nombre la littérature hard-boiled et noire aux USA, durant les années fin 1940 à 60, et qui touchèrent un vaste public grâce à leurs éditions de poche, bon marché, souvent édition originale du roman (voir à ce sujet notre article : « Tout dans les poches » -dans Polar Noir).
Si Fredric Brown était surtout connu pour ses très nombreuses nouvelles et quelques romans de SF et de fantastique, réputé pour ses « chutes » percutantes et sa concision, ou encore son humour omniprésent allant de l’ironie à un humour plus noir, il fut aussi un très bon auteur de romans noirs, dont La bête de miséricorde. Parmi ses autres romans noirs très bien reçus par le public pour leurs qualités narratives et leur inventivité, rappelons le célèbre « Screaming Mimi » (La belle et la bête) ou encore « The Fabulous Clip Joint » (Crime à Chicago), sa production pourtant importante étant moins commue en Europe pour ce genre de littérature.
C’est dans la chaleur déjà bien marquée du printemps en Arizona, que John Medley, paisible retraité de Tucson, découvre le cadavre d’un homme dans son jardin, victime d’un meurtre sans grand doute. Dans ce quartier pavillonnaire plus que paisible c’est l’étonnement, aussi pour la police et les deux inspecteurs locaux mis sur l’affaire, Frank Ramos et Fern Cahan.
Si l’identité de la victime est assez vite découverte, les motifs qui auraient pu pousser à un meurtre sur sa personne sont loin d’être apparents : il s’agit d’un pauvre hère, rescapé de la guerre en Europe, seul survivant d’un accident de voiture qui a tué sa femme et ses gosses récemment sur les routes nord-américaines.
Les deux inspecteurs ne trouvent aucune piste, ni l’arme du crime, un calibre .22 Short, et si les cercles décrits par leur enquête couvrent bien tous les témoignages possibles et les vérifications d’usage, rien de concret n’est confirmé. Ramos s’entêtera, prêt à suivre des pistes ténues, guidé pat son instinct mais surtout par son obstination habituelle qui ici se heurte au scepticisme de son supérieur et à la résignation trop rapide de son coéquipier.
Pourtant ce sera au bout d’un chemin imprévu et ténébreux que Ramos sera mis face à face avec la vérité. Une vérité équivoque et noire qui mettra à l’épreuve ses notions personnelles de justice et d’humanité.
Roman attachant, La bête de miséricorde bénéficie du style limpide et serré de Fredric Brown, avec des personnages centraux crédibles dans une intrigue riche en psychologie suggérée. L’insouciance de Cahan, l’ultra réactivité de Ramos, d’origine mexicaine et marié à une Blanche, alcoolique de surcroit, qui se détache toujours un peu plus de lui, Mosley ce retraité qui n’a pas de secrets mais qui apparemment n’a surtout pas de passé, tout concoure à nous engluer dans la toile tissée par Brown. Sous le soleil d’Arizona dans une époque (les années 1950) où tout semble facile et transparent.
On notera aussi la construction divisée en chapitres donnant alternativement voix a chacun des principaux protagonistes, chacun faisant plus ou moins suite au précédant pour former le déroulement du récit. Procédé efficace pour créer des ambiances décalées et insolites à partir de ce qui est l’instant présent pour chacun des personnages. Un procédé peu courant dans le roman noir de l’époque, mais qui correspond bien au tempérament et à l’expérience de nouvelliste de Fredric Brown.
Le tout débouchant sur une fin assez imprévue, noire et originale, qui, à notre avis, accentue en force les composantes sombres du récit.
Tout ce que nous en avons dit confirme, faut-il le souligner, que c’est avec plaisir que nous avons revisité La bête de miséricorde, ce roman d’un des petits maîtres du genre, issu d’une époque où 220 pages max., au format des pockets US, suffisaient pour nous fournir des romans originaux, secs, noirs, percutants ou provocateurs.
EB (mars 2010)
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