mercredi 31 octobre 2007

Le prolétariat au service de Sir Winston


Hier est arrivé une jolie palette de 150 exemplaires de notre premier livre, qui n'apparaît pas sous l'étiquette Moisson rouge — on se calme, amis lecteurs, ça arrive en janvier, on sait c'est sur, nous aussi on piaffe — mais Alvik, maison que nous avons reprise.
Enfin Moisson rouge ou pas, 150 livres ça fait beaucoup.
Surtout quand on doit les emballer et les trimballer à la poste pour que de gentils journalistes et de gentils libraires puissent s'en régaler.
Précisons que la personne qui écrit ça (JV) est d'une absolue malhonnêteté puisqu'elle n'a absolument rien foutu et s'est contentée d'arriver, avec le camarade Leroy, la bouche en cœur et en poussant de petits cris émerveillés. Enfin passons et remercions la véritable avant-garde du prolétariat, Hector, Charlotte, Hervé et Claire-Cécile. Sur quoi on est aller se grailler un tajine parce que regarder les gens bosser ça creuse.

Donc si tout se passe bien (mais comment pourrait-il en être autrement?) vous pourrez bientôt voir dans votre journal préféré de jolis articles dithyrambiques sur Le Monde selon Churchill, l'homme qui, invité à la Maison Blanche et croisant un soir, nu comme un ver, le président Roosevelt, ne se démonta pas et lâcha : "L'Angleterre n'a rien à cacher." Le reste du livre est à l'avenant, drôle et, en prime, bien écrit.

[Le Monde selon Churchill. Sentences, confidences, prophéties, reparties, François Kersaudy, éditions Alvik, à paraître le 15 novembre 2007, 18 euros]

dimanche 28 octobre 2007

La belle histoire (2)


Alors donc on a donc vu hier et avant-hier comment Moisson rouge dégotait ses auteurs, avec des méthodes moyen réglo mais efficaces (gin tonic, minijupe et champagne Drappier zéro dosage). Parlons maintenant des traducteurs, éléments, on s'en doute, essentiels, du dispositif Moisson rouge. Un exemple: Marianne Millon, traductrice du livre de José Ovejero, Des vies parallèles, à paraître en janvier 2008.

Il y a quelques mois, sur les conseils de l'auteur, j'appelle Marianne Millon et lui tiens à peu près ce langage (dialogue retranscrit de mémoire):

— Bonjour [etc.], nous aurions un ouvrage à traduire de l'espagnol et l'auteur m'a donné vos coordonnées.
— Très bien, comment s'appelle-t-il?

— José Ovejero et...
— Ovejero?? Incroyable, j'adore ses livres, ça fait des siècles que j'en parle à XX [éditeur], que je cherche à le placer!

— Eh ben voilà, c'est fait, il a un éditeur en France...

Joie de l'éditrice et de la traductrice, conclusion d'un deal, signature d'un contrat, et il y a peu, remise de la traduction (brillante) qui, après préparation (excellente), existe aujourd'hui sous la forme d'épreuves — autant dire de quasi-livre.

Autant dire aussi qu'on est émus, contents, ravis, et fiers de notre premier rejeton, dont la traductrice et l'auteur viendront bientôt parler sur ces pages...

samedi 27 octobre 2007

Stratégie et tactique : un exemple

Vous vous demandez comment on dégote des auteurs? Normal, c'est un métier. Un exemple: voici comment Jérôme Leroy, conseiller littéraire, et moi (Judith Vernant) avons pris Thierry Marignac dans nos filets. Depuis, il y est resté.

La victime raconte, en utilisant des pseudos qu'on décryptera aisément:


CHRONIQUE MONDAINE


MENÉES SUBVERSIVES

Dans un effort pour rétablir la vérité historique et en vue de fournir des armes aux générations futures dans leur combat galactique contre l’hydre néo stal, Chroniques Marignac se voit dans la triste obligation de sortir de sa réserve et de narrer par le menu (J’ai pris du poisson mais j’ai complètement oublié ce qu’il y avait comme légumes) les manœuvres de destabilisation ourdies pour recruter l’auteur de Fasciste en jouant sur sa vénalité et sa fibre pochetronne, ce qui est moralement indéfendable. Bref, Alfredo Smith-Garcia (le cerveau de cette audacieuse tentative d’infiltration du dernier bastion de résistance à la stalinisation rampante de l’univers connu) un communiste au passé douteux, et dont la conversion suspecte avait fait jaser à l’époque, un peu comme Garaudy mais dans le sens inverse, et Jenny Suarez-Ames, un pur produit fanatique de l’école dite de « l’ombrelle mongole » (comme le parapluie bulgare, mais ça fait plus mal, raffinement chinetoque oblige) fondée par Chou-En-Lai — m’attendaient de pîed ferme.

DÉTERMINATION VIRTUELLE
Je m’étais entraîné comme une bête avant d’y aller, passé en revue tous mes effets de veston, mes sourires entendus et mes œillades vicelardes, et surtout j’avais prévenu mon banquier : « Calmez-vous, ça va vous paraître à peine croyable, mais je crois que j’ai enfin trouvé, après des décennies, une paire de barges prêts à me corrompre ». Ça n’a pas stoppé les agios, mais ça l’a empêché deux jours de me bigophoner au saut du page, pour m’annoncer qu’il allait me couper à peu près tout à l’exception de ce qui fait de votre bien dévoué le potentiel fondateur d’une lignée d’anges exterminateurs de la racaille communiste jusque dans les coins sombres de la Voie Lactée.
Les crédits débloqués pour cette approche l’air de rien étaient substantiels, grâce à la paranoïa idéologique des bureaucrates qui reconnaissent en votre serviteur obligé le véritable homme à abattre de la Future Garde d’Airain spatio-temporelle dont on peut déjà observer la parade quotidienne au télescope, également dénommée Anneau de Saturne, nom de code des troupes de reconnaissance de l’opération « Exterminez-moi cette vermine rouge, complice avec le Jihad ».

DÉROUTE
Bref, la première bouteille passa sans encombres, j’étais droit dans mes bottes de phalangiste. Smith-Garcia n’hésitait pas, insinuant que c’était un honneur pour lui de me recruter, et me faisant miroiter des vahinés, des destinations exotiques, des promotions. Deuxième roteuse de blanc, une merveille ni acide ni sucré, sécheresse minérale rappelant le grand air de la montagne à Bertesgaden, ah comme c’est loin tout ça. Néanmoins je tenais bon, ne cédais pas un pouce de terrain, me drapant dans mon, imaginaire — pour la plus grande partie— pureté en espérant qu’on arriverait à l’essentiel. Jenny que son âge et son entraînement cyber-maoïste rendaient imprévisible, resta coite pendant la troisième bouteille.
Dans un tête-à-queue digne d’Indianapolis (mais en tout bien tout honneur), au moment où je commençais à faiblir (Smith-Garcia est persuasif , mine de rien) et à penser sérieusement à l’hypercarburant qui m’attendait chez moi parce que je suis une véritable éponge sous mes airs dignes, Jenny-Suarez-Ames jeta sur la table, deux rouilles de champ’, trois contrats en perspective, et du mercenariat payé en dollars. Malgré une certaine expérience en la matière (je veux dire jaja, bibine, lait de panthère) nous vacillâmes, moi et ma détermination cyber-boréenne.
Quelqu’un voulait m’acheter, j’avais tant travaillé pour en arriver là. Pouvais-je résister par fidélité malsaine à une doctrine certes chère à mon cœur, mais qui rendait mon larfeuille plus désertique que le QG d’Al-Kaïda Irak après le passage d’un Stealth Bomber des Forces Spéciales ?
Non. Quelle que soit mon idéologie, je m’étais toujours promis de rester un vendu au plus offrant. Jusqu’à présent, et malgré mes mérites, ils ne se bousculaient pas. Smith-Garcia et Suarez-Ames conclurent l’accord et m’abandonnèrent, pressés de rentrer au siège de la Grande Maison annoncer la bonne nouvelle :
Depuis Kim Philby, ils n’avaient pas eu un agent aussi haut placé dans les lignes ennemies !…

vendredi 26 octobre 2007

La belle histoire...

Cathy Fourez, Marc Fernandez et Jérôme Leroy

En juillet 2006, Judith Vernant, alors éditrice chez Hachette Littératures, se rend à la Semana Negra, à Gijón, Espagne, sur les conseils de Marc Fernandez, journaliste à Courrier international et auteur de Pinochet, un dictateur modèle et de La ville qui tue les femmes (tous deux chez Hachette Littératures, achetez-les!). Elle arrive sous une pluie battante et retrouve là deux personnages qui auront très vite un rôle dans l'aventure: Cathy Fourez, et surtout Jérôme Leroy, écrivain.

José Ovejero et José Manuel Fajardo, séance de dédicace...

Dès le lendemain, à la terrasse du Don Manuel, centre alcoolo-névralgique du festival, elle déjeune avec Fernando Bonassi, auteur brésilien qui l'intéresse direct. Puis, au cours d'une discussion informelle (il faut savoir qu'à la Semana Negra, toutes les discussions sont informelles), José Manuel Fajardo lui parle d'un certain José Ovejero, pas encore traduit en France, ce qui le scandalise. JV est scandalisée aussi, et pas seulement par solidarité. Car elle cherche des auteurs. Ça tombe bien. Elle s'engage à se rendre à la présentation du dernier livre d'Ovejero, dontFajardo lui dit deux mots, mais deux mots convaincants. Il part préparer sa conférence. Dix minutes plus tard, un grand type mince vient la voir et se présente comme auteur. Bien, parlez-moi de votre livre, lui dit-elle, avant de passer au tutoiement espagnol (mais en français). On l'aura compris, le grand type mince est José Ovejero. Il sera le premier auteur Moisson rouge, on y reviendra...

Bernardo Fernandez, alias Bef

Troisième auteur croisé au festival, et celui-là on peut citer son nom parce qu'il figure sur notre site web: Bernardo Fernandez, alias Bef, prix de la Semana Negra pour son premier polar, Tiempo de Alacranes (Une saison de scorpions). Un garçon doux comme un agneau et une dégaine de chef de gang. Oh yeah!

Hector Paoli, Judith Vernant et Claire-Cécile Avril (à la presse pour le lancement) au burlingue...

Bon, de retour à Paris, JV s'aperçoit bien vite que les projets en question ne sont pas vraiment pour Hachette Littératures, au temps pour elle. Et là, divine surprise, voici que survient la possibilité d'un mécénat, un vrai, un à l'ancienne, pour l'amour de la littérature. Note d'intention, branle-bas de combat, business plan, attente : ça finit par payer.
Les premiers acolytes seront Hector Paoli et Hervé Delouche, la maison s'appellera Moisson rouge.

Le déclenchement des opérations cannibales

Jour 1: Moisson rouge investit ses locaux, naguère occupés par un autre éditeur, et surtout par ses livres... En fait, ce ne sont pas des bureaux mais presque une librairie. On a beau aimer les livres, on étouffe.
Les camarades auteurs Thierry Marignac et Tcherno nous filent un précieux coup de main — et une note de frais "sacs-poubelle" du Franprix Monge (ci-contre).
Ils s'autoproclament avant-garde du prolétariat (v. plus bas) et jettent des regards mauvais aux cols blancs derrière leur clavier, surtout aux filles, Claire-Cécile Avril et Judith Vernant. Hector Paoli est épargné: il fait semblant de travailler.

Thierry Marignac pose pour la postérité.

Tcherno attend qu'on passe les sacs par la fenêtre.

La minuscule rue Malus après l'opération sacs.

L'opération sacs est finie. Enfin c'est ce qu'on croit. Parce que voyez...

La foule jusque sous les fenêtres

Les enfants étaient là aussi

Même la nuit, ils en revoulaient

Donc, Ve arrondissement de Paris, quartier bourgeois, petite rue calme.
L'avant-garde du prolétariat a bien bossé (v. plus haut), pour l'aveugler sur son exploitation, le patronat lui offre une mousse au troquet d'en face. Une dame plutôt bien sapée arrive au comptoir, cinq livres sous le bras. Tiens? Un gars débarque, deux sacs-poubelles à la main. On se lève, on se présente, on regarde par la vitrine: c'est la guerre civile, l'émeute, le trottoir est jonché de sacs plastique et de cadavres de vieilles, clamsées la bio de Raspail sur le cœur. Ne jamais lâcher prise. Surtout sur Raspail. Le prolétariat décide d'aller se biturer ailleurs, le patronat continue à trimer. Saloperie lumpen. Bref. La foule s'agglutine autour de la porte, on en veut encore, balancez par les fenêtres, "la culture gratuite c'est foooooormidable", "ce que vous faites est meeeeeeeerveilleux" [en fait on voulait les fourguer aux encombrants, vous l'aurez compris], "cool j'vais aller à Gibert". Nan les moutards, on rentre pas dans les burlingue. La Guerre du Sonderbund s'arrache [NdB: la guerre du Sonderbund, bande d'ignorants, c'est une guerre qui a eu lieu en novembre 1847 en Suisse et c'est un événement majeur de l'histoire de l'humanité]; on redemande du Castro; tout le monde veut des pays baltes; Camus et Sartre font un tabac; la Montespan explose Madonna; et nous, on commence à avoir méchamment les foies devant la meute en délire. "Je vais pisser, surveille la porte, ils veulent rentrer." Si c'était de la bouffe on assisterait au déclenchement (bruyant) des opérations cannibales. En fait, c'est presque ça.
On peut vous confirmer:
1) on peut fourguer n'importe quoi tant que c'est gratuit
2) les gens sont barges
À plus tard.