"Gopniki " de Vladimir Kozlov
(http://www.vladimir-kozlov.com/French/Bio_fr.htm),
2002, éditions Ad Marginem (Moscou),"Racailles" VK traduit du russe par TM, 2010, éditions Moisson Rouge (Paris) extraits :
FLEUR DE LA JEUNESSE SOVIET
« Hourra ! Les vacances ! Trois mois ! C’était hier le dernier jour d’école, et il n’y a même pas eu d’école. Il y a seulement eu deux vieux croûtons dégarnis, et une grosse matrone qui se sont pointés pour choisir les élèves de l’école pour crétins l’année prochaine. Ils ont interrogé sur la table de multiplication, six fois huit soixante-quatre ou non ? Qu’est-ce qui distingue un taureau d’un tracteur et quel est le plus lourd un kilo de pain ou un kilo de sucre. Mais ils ont pas dit qui ils avaient choisi, ils le diront plus tard. Pour l’instant on peut jouer au foot et au poker, fumer des mégots, et balancer des cagnasses sur les trains, pour péter les vitres, piéger des chats noirs et les pendre, et encore tout le tas de trucs qui restent. »
« Moi ?, qu’est-ce que je suis, moi ? Je suis rien, et on ferait mieux de moins me prendre la tête, sinon j’irai plus jamais manger chez moi, je piquerai de la bouffe au magasin. Le plus important c’est de ne pas tomber aux mains des vendeurs, sinon ils vous tabassent à coups de balai et vous balancent aux flics, mais les flics — c’est tous des salopes et des chacals, mais j’ai rien à dire sur eux. »
« Et avant de dormir, on fonce encore dans le jardin du Taré — pour lui souhaiter bonne nuit. Il est en sentinelle, il arpente son jardin de long en large avec son fusil, et on lui crie, bonne nuit, Sergueï Stepanytch, ne t’endors pas ou on foutra le feu à ton jardin, et il crie foutez le camp d’ici vauriens, je plaisante pas.
Et maintenant tout le monde rentre à la maison. Et demain — on refera tout exactement pareil ».
PARANGON DES SCIENCES ET DES ARTS
« Je dois avoir une influence positive sur ce crétin. Son communisme a rendu la prof complètement abrutie. Pour elle, le principal, c’est : ‘La force du collectif ‘. Même les autres profs se moquent d’elle, et le surgé nous a dit en confidence que c’était la dernière année qu’il la gardait à l’école. Une nouvelle époque s’est ouverte, la perestroïka a commencé dans notre pays, et pour les gens comme elle, c’est l’heure de la retraite. »
« Jusqu’à présent entre moi et lui tout était normal : il n’est jamais venu me chatouiller. On n’a même quasiment jamais bavardé depuis six mois qu’il est en classe. Il est plutôt taciturne, mais en vérité c’est une teigne : il va se castagner pour son quartier avec sa bande, et il rackette les petits.
—Bon alors, dit-il, on m’a spécialement mis à côté de toi pour que tu m’aides, Chétif. Alors vas-y, traîne pas.
Je le regarde, il a les cheveux gras, sales, il est couvert de pellicules, couturé de cicatrices. Un gogol dégueulasse. »
FRATERNITÉ SOCIALISTE
« Le règlement de comptes entre bandes a viré à l’eau de boudin. Ceux du quartier « Cosmonaute » nous ont pété la gueule : ils étaient au moins trente, si c’est pas plus. Ils m’ont éclaté la lèvre et m’ont collé deux cocards mitoyens. En revenant on avait tellement les glandes qu’on a tabassé deux pèlerins pas de chez nous dans le trolleybus : pour une raison ou une autre, ils venaient sur notre territoire, le quartier « Travailleur » — chez des copains ou chez des gonzesses, ça m’étonnerait qu’on les revoit de sitôt par ici . »
« Le soir, Il y a personne de chez nous à la station de bus, alors je vais voir Viek. Il m’ouvre la porte lui-même.
—Entre.
Je retire mes pompes et je rentre dans sa chambre.
—On m’a dit qu’ils avaient lourdé Byr du bahut ? Il demande.
—Pourquoi ?
—Parce que c’est un con. Il a déconné plus que tout le monde, il voulait montrer qu’il était genre affranchi. Chez lui dans son quartier c’était un zéro, mais là-bas, il croyait pouvait faire le malin. Et il a roulé sa caisse. Il mettait pas les pieds au bahut, il en foutait pas une rame, genre il avait autre chose à foutre, qu’il en avait rien à secouer. Eh bien, ils l’ont foutu dehors. Maintenant, à l’horizon, c’est l’armée.
—Comment ça, l’armée ?
—Il a déjà 18 ans, ça va pas tarder. Cet imbécile est resté trois ans en cinquième. Tu savais pas ?
—Non.
—Trois ans. С'est un total demeuré, pire que Byk. Alors il a déconné plus que tout le monde.
—Et qu'est-ce qu'il va faire, maintenant ?
—Rien. Sa mère lui a fait un tintouin d'enfer. Elle s'est pointée direct à l'école et elle lui a écorché les oreilles devant tout le monde. Elle lui a dit qu'elle le lourdait de chez eux.
—Comment tu le sais ?
—C'est un mec que je connais qui me l'a raconté. Il allait à l'école avec lui.
—Et lui alors, qu'est-ce qu'il a fait ?
—Rien. Il a disjoncté, il est parti. Jamais de la vie sa mère le foutra dehors, mais elle va lui prendre la tête. C'est ce qui lui faut, à cet imbécile. Je l'ai croisé aujourd'hui, il était bourré. Il m'a raconté des conneries — genre, c'est lui qui voulait se faire lourder, genre l'armée c'est super, presque comme la taule.»
VÉTÉRAN DU TRAVAIL
«Soit c'est une dépression hivernale, soit c'est les quatre jours sans herbe qui commencent à se faire sentir, mais peut-être c'est juste à cause d'une tache sur le soleil… Bref, pour une raison ou pour une autre l'apathie est écrasante. Dites-moi un peu, je suis le seul à virer lourdingue comme ça ou pas ?
De toute façon, c'est pas ça. D'accord il faut travailler. Ou faire comme si. À ma montre 2h 56. Encore cinq heures à rester ici. Putain de ta mère.»
(http://www.vladimir-kozlov.com/French/Bio_fr.htm),
2002, éditions Ad Marginem (Moscou),"Racailles" VK traduit du russe par TM, 2010, éditions Moisson Rouge (Paris) extraits :
FLEUR DE LA JEUNESSE SOVIET
« Hourra ! Les vacances ! Trois mois ! C’était hier le dernier jour d’école, et il n’y a même pas eu d’école. Il y a seulement eu deux vieux croûtons dégarnis, et une grosse matrone qui se sont pointés pour choisir les élèves de l’école pour crétins l’année prochaine. Ils ont interrogé sur la table de multiplication, six fois huit soixante-quatre ou non ? Qu’est-ce qui distingue un taureau d’un tracteur et quel est le plus lourd un kilo de pain ou un kilo de sucre. Mais ils ont pas dit qui ils avaient choisi, ils le diront plus tard. Pour l’instant on peut jouer au foot et au poker, fumer des mégots, et balancer des cagnasses sur les trains, pour péter les vitres, piéger des chats noirs et les pendre, et encore tout le tas de trucs qui restent. »
« Moi ?, qu’est-ce que je suis, moi ? Je suis rien, et on ferait mieux de moins me prendre la tête, sinon j’irai plus jamais manger chez moi, je piquerai de la bouffe au magasin. Le plus important c’est de ne pas tomber aux mains des vendeurs, sinon ils vous tabassent à coups de balai et vous balancent aux flics, mais les flics — c’est tous des salopes et des chacals, mais j’ai rien à dire sur eux. »
« Et avant de dormir, on fonce encore dans le jardin du Taré — pour lui souhaiter bonne nuit. Il est en sentinelle, il arpente son jardin de long en large avec son fusil, et on lui crie, bonne nuit, Sergueï Stepanytch, ne t’endors pas ou on foutra le feu à ton jardin, et il crie foutez le camp d’ici vauriens, je plaisante pas.
Et maintenant tout le monde rentre à la maison. Et demain — on refera tout exactement pareil ».
PARANGON DES SCIENCES ET DES ARTS
« Je dois avoir une influence positive sur ce crétin. Son communisme a rendu la prof complètement abrutie. Pour elle, le principal, c’est : ‘La force du collectif ‘. Même les autres profs se moquent d’elle, et le surgé nous a dit en confidence que c’était la dernière année qu’il la gardait à l’école. Une nouvelle époque s’est ouverte, la perestroïka a commencé dans notre pays, et pour les gens comme elle, c’est l’heure de la retraite. »
« Jusqu’à présent entre moi et lui tout était normal : il n’est jamais venu me chatouiller. On n’a même quasiment jamais bavardé depuis six mois qu’il est en classe. Il est plutôt taciturne, mais en vérité c’est une teigne : il va se castagner pour son quartier avec sa bande, et il rackette les petits.
—Bon alors, dit-il, on m’a spécialement mis à côté de toi pour que tu m’aides, Chétif. Alors vas-y, traîne pas.
Je le regarde, il a les cheveux gras, sales, il est couvert de pellicules, couturé de cicatrices. Un gogol dégueulasse. »
FRATERNITÉ SOCIALISTE
« Le règlement de comptes entre bandes a viré à l’eau de boudin. Ceux du quartier « Cosmonaute » nous ont pété la gueule : ils étaient au moins trente, si c’est pas plus. Ils m’ont éclaté la lèvre et m’ont collé deux cocards mitoyens. En revenant on avait tellement les glandes qu’on a tabassé deux pèlerins pas de chez nous dans le trolleybus : pour une raison ou une autre, ils venaient sur notre territoire, le quartier « Travailleur » — chez des copains ou chez des gonzesses, ça m’étonnerait qu’on les revoit de sitôt par ici . »
« Le soir, Il y a personne de chez nous à la station de bus, alors je vais voir Viek. Il m’ouvre la porte lui-même.
—Entre.
Je retire mes pompes et je rentre dans sa chambre.
—On m’a dit qu’ils avaient lourdé Byr du bahut ? Il demande.
—Pourquoi ?
—Parce que c’est un con. Il a déconné plus que tout le monde, il voulait montrer qu’il était genre affranchi. Chez lui dans son quartier c’était un zéro, mais là-bas, il croyait pouvait faire le malin. Et il a roulé sa caisse. Il mettait pas les pieds au bahut, il en foutait pas une rame, genre il avait autre chose à foutre, qu’il en avait rien à secouer. Eh bien, ils l’ont foutu dehors. Maintenant, à l’horizon, c’est l’armée.
—Comment ça, l’armée ?
—Il a déjà 18 ans, ça va pas tarder. Cet imbécile est resté trois ans en cinquième. Tu savais pas ?
—Non.
—Trois ans. С'est un total demeuré, pire que Byk. Alors il a déconné plus que tout le monde.
—Et qu'est-ce qu'il va faire, maintenant ?
—Rien. Sa mère lui a fait un tintouin d'enfer. Elle s'est pointée direct à l'école et elle lui a écorché les oreilles devant tout le monde. Elle lui a dit qu'elle le lourdait de chez eux.
—Comment tu le sais ?
—C'est un mec que je connais qui me l'a raconté. Il allait à l'école avec lui.
—Et lui alors, qu'est-ce qu'il a fait ?
—Rien. Il a disjoncté, il est parti. Jamais de la vie sa mère le foutra dehors, mais elle va lui prendre la tête. C'est ce qui lui faut, à cet imbécile. Je l'ai croisé aujourd'hui, il était bourré. Il m'a raconté des conneries — genre, c'est lui qui voulait se faire lourder, genre l'armée c'est super, presque comme la taule.»
VÉTÉRAN DU TRAVAIL
«Soit c'est une dépression hivernale, soit c'est les quatre jours sans herbe qui commencent à se faire sentir, mais peut-être c'est juste à cause d'une tache sur le soleil… Bref, pour une raison ou pour une autre l'apathie est écrasante. Dites-moi un peu, je suis le seul à virer lourdingue comme ça ou pas ?
De toute façon, c'est pas ça. D'accord il faut travailler. Ou faire comme si. À ma montre 2h 56. Encore cinq heures à rester ici. Putain de ta mère.»
(Traduit du russe par TM)
http://chroniquesmarignac.blogspot.com/
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