Racket, baston, alcool, sexe, baston, viol, alcool, baston, alcool. Lorsque Vladimir Kozlov relate la jeunesse - sa jeunesse ? - dans une cité russe miteuse au milieu des années 1980, le décor est brut, sale, en noir et blanc. Surtout en noir, d'ailleurs. Alors qu'à l'échelle internationale on parle d'ouverture, de perestroïka, que Gorbatchev amorce une détente internationale, dans la rue, rien ne change. Gorby "arrive trop tard. Il aurait fallu ça bien avant", souffle un des personnages, exceptionnellement lucide. Et en effet, on ne voit pas ce que la politique peut venir sauver de ces ruines hantées par des débris humains. Du fait de l'absence de réelle trame générale et de la redondance du quotidien de ces âmes errantes, 'Racailles' lasse parfois. Tourne en rond. Mais le récit elliptique, qui passe brutalement d'une histoire à une autre comme un vinyle qui sauterait, permet de garder le lecteur en alerte et de l'emmener, finalement sans grand effort, jusqu'au bout du texte. Le mélange paradoxal d'effroi et de monotonie qui émane de ces pages rend palpable l'enlisement de ces Russes étêtés, sans avenir ni perspective, abandonnés par un système communiste qui n'est plus qu'une caricature de lui-même. Au fil de textes courts, rapides, rendus plus brutaux encore par son écriture râpeuse, Kozlov esquisse le tableau d'une génération dévastée : saouls du matin au soir, les parents ont baissé les bras ou finissent en prison. Les enfants, dès 12 ou 13 ans, boivent encore plus, agressent les filles, massacrent les plus faibles, s'affrontent entre quartiers, s'unissent contre les flics. Images terrifiantes, qui révèlent une rage creuse, dirigée contre rien. Des rats en cage, qui s'entre-dévorent parce qu'ils n'ont rien de mieux à faire. Et à qui Vladimir Kozlov redonne vie, ressuscitant des voix sorties de nulle part, que les livres d'histoire avaient oubliées.
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