samedi 29 mars 2008
Chronique exotique
Hier, soirée d’inauguration du festival Quais du polar (Lyon), sur une péniche amarrée sur le Rhône, où votre envoyée spéciale a bavassé avec la terre entière — disons sa partie sympathique, par exemple les polardettes Olivia Castillon, Clémentine Thiébaut, Stéfanie Delestré, ou le journaliste blogueur Bastien Bonnefous, et puis le gang de 813, Hervé Delouche, Natalie Beunat, Jean-Louis Touchand, Véronique Moran, les camarades Corinne et Jacques de la Noir’Rôde, mais encore Romain Slocombe et François Guérif, l’un des rares êtres vivants (avec Véronique Moran, d’ailleurs) à avoir vu La Meurtrière diabolique, et enfin avec des libraires.
Lendemain fort agréable. Déjeuné avec Emmanuel Pailler, traducteur et également blogueur (décidément) sous un soleil merveilleux, place des Terraux.
Digression : oui parce que cette année il faut un temps magnifique et les Wayfarer sont de sortie, contraste avec l’édition précédente où les moissonneurs rouges s’étaient gelé les miches — ben oui, pour nous autres parigots, Lyon c’est le Sud et dans le Sud, il fait beau.
Bref.
Puis après-midi fructueuse au palais Bondy, le cœur du festival, où j’ai mené à bien ma mission : rebavasser avec du monde (dont le très sympathique Jake Lamar) et distribuer des exemplaires des livres de Moisson rouge avec des avants-programmes…
Suite des aventures lyonnaises demain, avec peut-être un petit film en prime…
vendredi 28 mars 2008
Info pratique
Contact mail pour bavasser et/ou boire des verres: jvernant@moisson-rouge.fr
jeudi 27 mars 2008
L'amour du noir (2): La fille de nulle part.
Alors, bien sûr, au commencement, c'est l'histoire d'un homme obsédé par une morte, par une femme assassinée. L'histoire d'un homme qui en tombe peu à peu amoureux, qui veut réchauffer le corps profané en le nommant, en le nommant sans cesse, qui fait tourner le nom de la morte comme un mantra obsessionnel, comme un kaddish désespéré. « O toi que j'eusse aimée, ô toi qui le savais. »
C'est une histoire vieille comme le monde, en fait, vieille comme la poésie. C'est Orphée et Eurydice, c'est Dante et Béatrice, c'est Nerval et Aurélia, c'est Proust et Albertine. C'est aussi, parfois, parmi les plus grands romans noirs qu'on puisse lire. Laura de Vera Caspary (qui sera transcendé par l'adaptation de Preminger), Le Dahlia noir de James Ellroy (que même le ratage élégant de Brian de Palma n'arrive pas à dépouiller totalement de sa puissance d'envoûtement), J'étais Dora Suarez de Robin Cook et puis, celui qui nous intéresse aujourd'hui, La fille de nulle part, de Fredric Brown.
J'aime bien mon édition de La fille de nulle part. C'est celle de 10-18, dans la collection « Nuits blêmes ». Au début des années 90, « Nuits blêmes » avec les élégantes et discrètement sadiques couvertures de Slocombe, a fait redécouvrir un paquet de chef d'œuvres, dans l'esprit de la mythique Série Blême, l'éphémère petite sœur de la Série Noire des années 50.
On n'était pas plus seulement dans le roman noir mais on flirtait aussi avec le fantastique, le gothique ou la psychanalyse envisagée comme roman d'épouvante. C'était Shirley Jackson avec Nous avons toujours habité le château, c'était Jonathan Latimer avec L'épouvantable nonne, Robert Bloch avec Temps mort ou, plus proche de nous, Alexandre Lous, alias Jean-Baptiste Baronian et son Matricide.
La fille de nulle part, si on y réfléchit un peu, est finalement un roman de Fredric Brown assez peu brownien. Le registre habituel de Brown, c'est plutôt le sarcastique, le grinçant, le nonsense à la Lewis Carroll qui trouve son apogée dans La nuit du Jabberrwok ou Martiens go home ! Brown, c'est l'homme connu pour l'humour terrifiant de la plus célèbre very short story de l'histoire de la littérature : « Le dernier homme vivant de la Terre était assis chez lui. On frappa à la porte. »
Et voilà, en 1951, cette fille de nulle part, lente, élégiaque et minutieuse comme un rêve d'alcoolique qui rêve qu'il n'est plus alcoolique. D'ailleurs, La fille de nulle part est un grand roman de l'alcoolisme. Il y a dans ce livre un personnage principal, Weaver, qui décide de s'installer à Taos, (Nouveau-Mexique), pour guérir d'une dépression. Il ne s'y prend pas très bien : « Au bout d'un moment, il acheta une bouteille au bar et rentra chez lui. Il se saoula jusqu'à l'hébétude et alla se coucher, bien avant minuit. »
La fille de nulle part décrit des gueules de bois de manière admirable, avec leur poids de paranoïa et de culpabilité. Je ne vois guère que Simenon dans ses romans américains, écrits d'ailleurs à peu près à la même époque (Feux Rouges, Le fond de la bouteille, La mort de Belle) pour faire aussi bien.
Taos est une colonie d'artistes où Brown a lui-même vécu. On peut ainsi penser sans trop prendre de risque qu'il y a quelque chose d'autobiographique dans La fille de nulle part. Weaver, quoiqu'il s'en défende, est un écrivain frustré. Le hasard l'amène à louer la maison où huit ans plutôt une certaine Jenny Ames dont on ne sait absolument rien a été assassinée par un peintre pédéraste qui attirait ses victimes par petites annonces. Weaver commence à enquêter parce que boire ne l'occupe pas assez. Il fouille dans la maison, il questionne en ville. Il fait des allers-retours incessants, souvent inutiles. Il est tatillon, cyclothymique et précis comme un vrai bipolaire. Jenny Ames colonise progressivement tout son esprit, tout son imaginaire. Du coup, il n'a plus très envie que sa femme, Vi, qui a terriblement grossi et qui picole autant que lui, vienne le rejoindre comme c'était convenu.
La fille de nulle part, ressemble pour son premier tiers, à Au-dessous du volcan de Malcolm Lowry: même décor de montagnes, même transparence de l'air, même pureté des sons dans le matin clair, même folie latente, aussi, qui couve à l'ombre des phrases les plus anodines. Ensuite, quand Vi arrive, c'est du Chardonne vachard, un portrait de couple qui fait semblant. Vi écoute des disques et la radio (Brown pointe les débuts de l'envahissement de tous les paysages sonores par l'industrie musicale) et boit beaucoup. Weaver pense à Jenny Ames et boit encore plus.
Au bout du compte, Weaver trouve. Enfin, c'est ce que voudrait nous faire croire Fredric Brown. Comme pour tous les grands romans, il y a deux écoles de lecteurs qui s'affrontent sur la fin de La fille de Nulle part. Ceux qui pensent que Weaver a trouvé et ceux qui pensent qu'il s'est trompé. La vieille querelle entre les cartésiens et les rêveurs, les désenchantés et les fous. On se gardera bien de la vider ici : Jenny Ames ne s'en remettrait pas, et nous l'aimons, nous aussi.
Jérôme Leroy
mardi 25 mars 2008
Chroniques domestiques (2) : et si on sortait ?
Bon, on ne se plaint pas, d'autant que, comme on pourra le constater sur les photos, l'ambiance est bonne et le barman d'en face (The Local, rue de la Clé, allez-y voir des matchs), nous a apporté des drinks sur plateau... Martini dry (gin) pour mademoiselle, Guiness pour monsieur.
À la vôtre !
jeudi 20 mars 2008
Une bienheureuse angoisse
Ces quatre titres, parmi beaucoup d'autres,plus ou moins disponibles en Série Noire ou dans la mythique collection Red Label, vous prouveront, si besoin était que Stephen King, Dean Koontz mais aussi Ellroy et tous leurs épigones qui mêlent roman noir et exploration de la folie de l'intérieur, portraits de serial killers et réalisme fantastique, eh bien tout ce petit monde a eu un précurseur génial: Robert Bloch. Bloch, c'est une littérature à la jugulaire, comme il y a une littérature à l'estomac selon Julien Gracq.
Et c'est sans doute le meilleurs roman de Bloch, Le Crépuscule des stars, que vous propose aujourd'hui Moisson Rouge.
Le livre :
Au temps du cinéma muet, un jeune scénariste ambitieux tente de se faire une place dans un studio hollywoodien. Mais l’irruption du parlant, l’industrialisation du cinéma et la toute-puissance de l’argent vont venir bouleverser le quotidien du studio. Entre ceux qui plient et ceux qui résistent, la guerre est déclarée. Jusqu’à la folie. Un roman noir et flamboyant, une atmosphère angoissante, à mi-chemin entre Sunset boulevard et Freaks. Et le plaisir de croiser au fil des pages Erich von Stroheim, Charlie Chaplin, Buster Keaton ou Lon Chaney…
L'auteur :
Robert Bloch (1917-1994) est l’auteur de nombreux romans noirs et de terreur, dont le plus célèbre est Psychose, adapté au cinéma par Alfred Hitchcock. Dans une interview à Polar, en 1979, Robert Bloch déclarait, à propos du Crépuscule des stars, qui était son roman préféré : « Si je ne devais pas gagner ma vie en faisant peur aux gens, c’est ce genre d'histoire que j’écrirais. »
Quant à Michel Lebrun, il en disait : « Roman policier ou pas ? La question, pour moi, n’a aucun sens. Robert Bloch, près de quatre cents pages durant, nous fascine, nous émeut, nous couvre de frissons, nous surprend, nous laisse pour finir pantelants d’une bienheureuse angoisse. Une œuvre prométhéenne, admirable et admirablement traduite par Jean-Paul Gratias. »
On peut également lire une belle chronique du livre sur l'excellent site Noir comme polar, et consulter le dossier spécial Robert Bloch sur le site de Moisson rouge.
Robert Bloch, Le Crépuscule des stars, Moisson rouge/Alvik
Traduit de l'américain par Jean-Paul Gratias (traduction entièrement révisée pour cette éditionà.
368 pages de caviar noir pour 14,50 euros
En librairie le 20 mars 2008.
lundi 17 mars 2008
L'amour du noir (1)
On y parlera de nos livres, bien entendu, mais pas seulement. La preuve, avec cette première gorgée de poison pour rendre hommage au grand Ouestlake (orthographe adégéienne).
Les citrons ne mentent jamais
De Richard Stark Série Noire n°1457
Bon, reconnaissons que la première chose qui nous ait attiré, dans ce livre, c’est le titre. On ne fait plus de titre comme ça. Une phrase verbale, parfois violente, parfois drôle, parfois franchement surréaliste était une marque de fabrique, un signe de reconnaissance. On était dans un polar. C’était à une époque où le genre n’éprouvait pas le besoin de se prendre au sérieux, où Michel Audiard au Fleuve Noir publiait Méfiez-vous des blondes (un des meilleurs conseils qui puisse être donné à un lecteur), où Mickey Spillane, toujours d’une grande délicatesse, voyait son légendaire I the jury traduit par un charmant J’aurai ta peau, où le très grand Horace Mc Coy nous mettait en garde, avec trente ans d’avance, contre les dangers de la flexibilité géographique dans le travail moderne par son retentissant : J’aurais dû rester chez nous.
Ça n’a l’air de rien, cette histoire de titre, et pourtant la quasi-disparition de ces phrases accrocheuses remplacées par des formules pseudo poétiques, mythologiques, hermétiques signent l’envahissement d’un esprit de sérieux qui nuit gravement à la santé de l’amateur : Le Nom de la rose (Eco), La Musique des circonstances (John Straley), Le Rêve d’un aigle foudroyé (George Chesbro) sont peut-être de très bons romans mais on ne m’ôtera pas de l’idée que des titres comme ça, entre le pompeux et l’abstrait, sont là pour déculpabiliser le lecteur de Télérama qui lit un polar et ne veut pas trop que ça se sache, ce qui serait impossible avec La mariée est trop morte (John D Mc Donald) ou Tout le monde sont là (Mc Bain).
Mais revenons à nos citrons. Ce sont ceux des machines à sous. Quand les trois apparaissent, c’est le jackpot. En arrivant à Las Vegas, le héros de Richard Stark, Grofield, joue toujours une pièce, une seule dans une machine à sous de l’aéroport. Comme c’est un individu paradoxal, perdre est pour lui un signe de chance. Là, il gagne : scoumoune en perspective. Il faut dire que Grofield ne vient pas à Las Vegas pour jouer, il vient pour préparer un casse. Grofield est un comédien. Un intermittent du spectacle dirait-on dans la France des années 00. Comme c’est un américain des années 70 et qu’il ne peut pas compter sur les Assedic, il s’autofinance par des casses, des cambriolages, des hold-up pour sauver le théâtre qu’il a installé dans une grange de Mead Grove (Indiana) et qui ne donne des représentations que l’été. Grofield, c’est un mini festival d’Avignon à lui tout seul, au Sud des Grands Lacs.
Richard Stark, l’auteur, est un des nombreux pseudonymes de Donald Westlake, grand nom de ce qu’on appelle la deuxième génération et depuis la mort de Mc Bain, un de ses ultimes survivants. Westlake utilise Richard Stark en général pour les récits de cambriolage qu’il a hissé à la hauteur d’un genre à part entière. Stark/Westlake met en scène dans des séries séparées trois voleurs qui sont trois aspects de la condition humaine : il y a Parker qui est froid et compétent, Dortmunder qui est maladroit et sympathique et Grofield qui est amical et cultivé. Parfois, ils se croisent dans un même roman. C’est le côté balzacien de Westlake, ce côté balzacien de tous les grands du polar qui écrivent beaucoup de romans avec des personnages récurrents sans que cela tourne pour autant au procédé ou à la standardisation. Stark/Westlake, Mc Bain, James Hadley Chase, Carter Brown, il y eut un temps où ces quatre-là fournissaient un titre sur trois à la Série Noire. Carter Brown était mauvais à chaque fois, Chase une fois sur deux, Mc Bain et Stark/Westlake jamais.
Les citrons ne mentent jamais est un roman curieux, assez décentré dans le temps et dans l’espace. Une structure angoissante comme la vie, en fait. Grofield tente des coups, les réussit plus ou moins bien et est traqué par un ex-commanditaire sadique. Tout ça fait qu’on a le temps de philosopher, par exemple à l’arrière du fourgon où l’on attend le moment propice pour passer à l’action : « L’artiste et le criminel divorcent tout deux d’avec la société par le dessein qu’ils impriment à leur vie, tous deux tendent à vivre en solitaires, à passer par de brèves périodes d’activité intense suivies par de longues périodes de repos. — Intéressant, fit Grofield. »
Vingt ans plus tard, et de manière beaucoup plus compliquée, Don De Lillo ne dira pas autre chose dans Mao II par exemple. La simplicité behavioriste est d’ailleurs un des délices de la Richard Stark’s touch, ici plutôt bien rendue par la traduction de D.May. Manchette, qui savait de quoi il parlait, adorait Westlake. Une dernière chose. Dans Les Citrons ne mentent jamais, Grofield cuisine, dort et fait l’amour dans les décors de son théâtre personnel. Comme nous tous, en fait.
Jérôme Leroy
Chroniques domestiques (1): Passons au salon
Et pour commencer...
... en ce moment, c'est le salon du livre de Paris. Que fait un éditeur à ce moment-là, quand il n'a pas de stand parce qu'il n'a sorti qu'un seul livre et que ça ferait cher la promo? Eh bien il brave la chaleur, la foule, les toilettes cradingues, la bouteille d'eau à trois euros, et il y va quand même.
Samedi, après déjeuner, rendez-vous avec un agent, celui, entre autres, de l'auteur brésilien Fernando Bonassi, dont Moisson rouge publiera le très noir et très beau Suburbio* en octobre prochain. Signe distinctif: il aura à la main un catalogue jaune. Drame: le plan du Salon ressemble furieusement à un catalogue jaune.
Évidemment, tout commence par un malentendu, qui n'a rien à voir avec la couleur du catalogue. L'agent a noté 13 heures, moi 14. On ne saura jamais qui a raison (moi, sûrement). Je cavale entre le stand de Viviane Hamy, où nous avions rendez-vous (à 14 heures, donc, ou bien 13) et celui d'Hatier, où, à ce qu'on m'a dit chez Viviane Hamy, l'agent a un rendez-vous.
- Euh... et il ressemble à quoi?
- Euh... grand, brun, bonne tête, dans les 35 ans.
- Euh... merci.
Bon, on finit par se retrouver et on s'installe sur une petite banquette vaguement design et surtout moyennement confortable. L'éditeur de chez Hatier (le rendez-vous de 14 heures) doit aller voir un auteur, ça tombe bien. Entre deux gorgées d'eau à trois euros, je prends des notes. On parle beaucoup de Bonassi, auteur de la filière gijonnaise, comme José Ovejero et Bernardo Fernandez. Son style particulier, circulaire, poétique, obsédant; son discours très militant. Il m'avait lancé, à table, en terrasse, devant une bouteille de rouge, "j'écris sur le Brésil qui ne danse pas", disons, celui qui danse trois jours par an et crève le reste de l'année. Il ne se présente pas comme un Brésilien "représentatif" mais d'abord comme un blanc riche (tout est relatif...) qui a fréquenté l'université et observe son pays sans complaisance — et c'est peu de le dire.
Je raconte la belle histoire de Moisson rouge à Jordi Roca, l'agent en question. Il a des idées pour nous. Des idées de livres et des idées de financement, parce que la littérature étrangère a un coût, celui de la traduction, or Moisson rouge est avant tout une maison de "world polar". Espagne, Brésil, Russie, Grèce, Mexique, États-Unis... On verra ça lundi, pendant la journée pro.
On est lundi, et je suis prête à dégainer mes cartes de visite.
En attendant, pour occuper mon insomnie, je dévore un excellent manuscrit français (il y en a) que mes acolytes ont lu et approuvé. Je sens qu'on va encore s'entendre...
*Traduit du portugais (Brésil) par Danielle Schramm.
lundi 10 mars 2008
"Polar sans OGM"...
NB: le jeune homme, à gauche, n'est pas un membre d'Al-Quaida, et la jeune femme, à droite, n'a pas eu d'illumination divine.
dimanche 9 mars 2008
Polar noir...
Une critique à lire ici.
Extrait :
"Des vies parallèles est un roman qui prend son temps tout en ne se réfugiant pas dans des longueurs inutiles. Aucune courte digression n’y est inutile, ni innocente. Et d’emblée il nous captive par son ambiance diffuse de misère, d’abus et de fatalité que l’auteur nous distille sans lourdeur ni insistance au fil des chapitres d’un roman construit en forme de fugue faisant appel au vécu instantané des personnages, et dans laquelle des fragments de leur passé en forment le contrepoint. D’une écriture assez classique, refusant l’excès, Jose Ovejero nous fait vivre les fragments de vie de personnages forts différents dont toutes finiront par avoir un point d’intersection commun. Des vies qui, à part celles des financiers, ont toutes été mises en danger par la précarité et la misère, la détresse morale, l’isolement et rejet social."
samedi 8 mars 2008
"Le soir" moissonne aussi...
José Ovejero fait se croiser des vies parallèles à Bruxelles
Lebeaux est un milliardaire marié à Sophie, qui est plus jeune que sa fille Charlotte. La gestion de ses affaires est entièrement confiée à Degand, un avocat douteux. Marlène et Claude forment un drôle de couple. Claude est associé à Daniel pour vider des maisons, une fois leurs habitants décédés. Marlène est coiffeuse à Matongé. Autour d’eux gravite Kasongo, un Noir au passé mobutiste dont les autres Noirs se moquent dans le quartier. Et Chantal, la sœur de Daniel, qui rêve de rencontrer l’amour mais n’a pas de quoi payer une course en taxi lorsque sa fille Amélie la rappelle en plein ébat.
Ces personnages n’avaient aucune raison de se rencontrer. A moins que Daniel et Claude ne trouvent dans une des maisons qu’ils vident une photo pour le moins compromettante pour Lebeaux… Se mettent à le faire chanter. Que le milliardaire s’en soucie. Que Daniel promette de l’argent à sa sœur, à laquelle il est si attaché depuis qu’il l’a arrachée aux coups de leur père… Et que Kasongo se voit confier pour mission de dégoter une arme.
Dans une succession de chapitres qui portent le prénom de celui (ou ceux) sur le(s)quel(s) l’accent est mis, José Ovejero décrit une à une les actions de ses personnages. Leurs passés. Ce qui les a menés là où ils sont. L’auteur, né à Madrid, et qui partage aujourd’hui sa vie entre les capitales belge et espagnole, raconte parfois deux fois les mêmes moments, envisagés par des regards différents.
Mais la construction est habile : en ne présentant qu’une fois chacun, Ovejero permet d’imaginer ce qui se passe dans chaque tête, à tout moment. Et arrive à brasser des milieux sociaux très différents dans une seule intrigue. Basée à Bruxelles : défilent dans le texte le cinéma Vendôme, la librairie Tropismes, les embouteillages de la petite ceinture et l’ambiance de la chaussée de Wavre…
Il y a aussi une certaine violence dans ce roman. Les vies parallèles sont toutes animées par la détresse, une immense rancœur ou une envie profonde de sortir de la case où on les a rangées. Auxquelles s’ajoutent un manque de recul chez les uns, une vision stratégique et cynique de l’avenir chez les autres. Ovejero distribue les rôles, les confronte. Mais ne leur donne pas la possibilité de changer vraiment. C’est peut-être ça, leur rancœur. C’est sûrement ça, aussi, qui donne ce goût si sec à Des vies parallèles.
ADRIENNE NIZET
Le Soir, vendredi 07 mars 2008
Une idée pour le week-end...
Et puis ensuite, puisqu'on est samedi et que vous ne travaillez (probablement) pas, allez chez votre libraire (qui, lui, travaille) et demandez-lui poliment Des vies parallèles, de José Ovejero, aux éditions Moisson rouge/Alvik.
vendredi 7 mars 2008
jeudi 6 mars 2008
Parking de nuit
Sophie Loubière lit un extrait Des vies parallèles dans l'émission Parking de nuit. Facile à repérer, c'est juste après Amy Winehouse. Voilà qui ne peut que nous plaire...
mercredi 5 mars 2008
Nouveau-né
(Sortie mai 2008)