jeudi 30 octobre 2008
Serguei Dounovetz
Sortie aujourd'hui, 30 octobre, d'Un ange sans elle, de Serguei Dounovetz, premier inédit français de Moisson rouge (et pas le dernier: on en reparle). Un dossier très complet est consacré à l'auteur sur notre site internet. Et pour vous donner envie, un extrait du livre :
"Un grain de sable s’était glissé dans les rouages huilés de son implacable certitude. Ce grain de sable portait un nom qui sonnait comme une note interdite que les jazzmen vont puiser très loin au fond de leurs tripes, une note qui vient du ventre, laissant invariablement une cicatrice. Cette fausse note, dans l’univers d’Angelo, s’appelait Nombril. Non pas nombril, comme un nombril, mais Nombril, comme le nom d’une femme qui posséderait le plus bel orifice de la création. Perdre revenait à ne rien perdre… Pour la première fois de sa vie, La Trique doutait de sa propre doctrine, celle qui l’avait amené au sommet. Et c’était un grain de sable, un vulgaire grain de sable, roux, rond et chaud, avec une cervelle de moineau, qui venait de gripper la machine. C’est pourquoi Di Savino avait réuni dans son bureau son gang au grand complet. Dix hommes, sans compter la sentinelle en faction sur l’immense terrasse. Tao et Frégate, ses fidèles lieutenants, se tenaient debout à ses côtés, les bras croisés, les griffes rentrées. Les frères siamois étaient inséparables. Petits et maigres, ils ne payaient pas plus de mine que des crayons mâchouillés ayant servi à remuer le café. Mais pour qui savait observer l’espèce humaine, dans les châssis de ces deux-là, on ne lisait que du malheur. Angelo, ramassé dans son fauteuil, les coudes posés sur son bureau, ses longues mains osseuses jointes à hauteur du menton, faisait craquer ses articulations. Habillé d’un sobre costume noir à la coupe impeccable, sur un col roulé en laine d’Écosse, il avait quelque chose du Nosferatu de Murnau. Mais le patron du Dancing Vamping n’était pas un vampire ordinaire."
Communiqué, par Kriss Vilà
mardi 28 octobre 2008
La face cachée de São Paulo
Un reportage sur Fernando Bonassi lu sur le blog des journalistes Marc Fernandez et Jean-Christophe Rampal: Avec Fernando Bonassi, vous courez le risque de découvrir un autre Brésil, bien plus sombre et bien plus violent que tous les horribles faits divers que vous avez pu lire, voir ou entendre. Rencontre au moment où son premier roman traduit en français vient d’être publié. La suite est ici.
Lu aussi sur Actu du noir, le blog de l'excellent polarophage Jean-Marc Laherrère:
Si on ne devait reconnaître qu’une qualité aux éditions Moisson Rouge, ce serait sans conteste de ne pas reculer devant la difficulté ! Pas de doute, il sont des guts (pour ne pas dire autre chose) et ne manquent pas de culot. Après le sulfureux Prière pour Dawn de Nathan Singer, auquel on peut trouver des défauts, mais qu’on ne peut certainement pas accuser de caresser le lecteur dans le sens du poil, ils persistent, dans un style totalement différent, avec Suburbio du brésilien Fernando Bonassi. Singer c’est l’éruption volcanique, l’explosion désordonnée, Bonassi c’est la litanie, la mélopée, l’engourdissement avant le coup de trique qui vous met KO debout, au moment où vous ne vous y attendez plus.
mercredi 22 octobre 2008
Un ange sans elle
Une bombe sexuelle prénommée Nombril parce qu'elle a le plus beau nombril du monde, un tueur à gages à la solde de l'ange Gabriel, des nonnes qui trimballent un frigo au milieu du désert, le diable retraité à New York: Serguei Dounovetz trinque à la santé de son dernier polar, le très disjoncté Un ange sans elle, à paraître aux éditions Moisson rouge le 30 octobre.
mardi 21 octobre 2008
LA CONFUsION LA PLus TOtALe
Prête à tout pour ses lecteurs impécunieux entraînés dans la spirale de la faillite (sauf à leur refiler de l’oseille), la rédaction de ChroniquesMarignac s’est adressée au seul écrivain punk français (Kriss Vilà) :
Les aventures décapantes du White Spirit Flash Klub, de nouveau au goût du jour, ont été rééditées juste à temps pour la fin du monde civilisé chez MOISSON ROUGE en 2008, DISPONIBLES ICI.
. Vilà, Krise,
10 CONSEILS POUR SURVIVRE À LA CRISE,
La crise, c’est d’abord la grosse arnaque des dealers de crédit qui avec un kilo ont voulu en faire deux, puis quatre, huit, seize… Ils croyaient que le profit, c’est comme le ciel, ça n’a pas de limite ! Mais, arrivée aux deux cent cinquante-six kils, bien sûr, leur poudre magique s’est totalement diluée dans le lactose et n’a plus rien valu. Résultat de la course : ces fameux junk bonds que ces véreux de banquiers ont rachetés les yeux fermés, en se disant que même si la came était pourrie, il suffisait de la diluer un peu plus pour que ça ne se voit plus. Des maîtres escrocs, on vous dit. Et pourquoi se gêner ? Tout ça ne servait en fait qu’à préparer une autre arnaque, bien plus raffinée, et avec cette fois la complicité des politiques qui, toujours ultra-libéraux mais avançant plus que jamais masqués, se sont empressés de dérouler un tapis d’or à ces messieurs de la finance.
Dans un premier temps, l’arnaque en question, si transparente qu’aucun bouffon de la Presse ne l’a dénoncée, même s’il faut être un total abruti pour ne pas la voir, consiste à diminuer les taux d’intérêt des banques centrales et à… augmenter le taux des prêts aux entreprises et aux particuliers, c’est à dire à gonfler toujours plus les profits des banques, qui foutent tout de même, tous les mois et entre autres, cinquante mille emprunteurs américains à la rue. Et comme à côté, miracle, y’a la bonne grosse provision que les politicards croupions ont mis à leur disposition, elles vont pas se gratter pour spéculer encore plus. Compris ?
On touche là au stade ultime du capitalisme financier : ruiner l’économie entière au profit des actionnaires. C’est complètement con, à terme, peut-être, mais encore une fois pourquoi se gêneraient-ils, puisque l’économie leur appartient, et que les 6,5 milliards de grosses taches que nous sommes, pieds et poings liés par LEUR fric, nous dépendons totalement de leur bon vouloir.
Pour quelle nouvelle arnaque ?
(Quant aux crétins de franchouillards qui croient que notre Nain national va aller faire les gros yeux aux messieurs de Wall Street, et que ceux-là vont courber l’échine, c’est pas des veaux, c’est même pas des limaces... On leur dit que le danger est passé, ils ne voient pas qu’ils rampent au milieu d’un rail d’acier et que le TGV va les réduire à leur état naturel : celui de mollards gluants.)
Pour survivre à la crise, j’ai pas 36 conseils à donner, ni même 10, mais un et un seul : courez vous acheter un énorme tube de vaseline, mais NE VOUS FAITES PAS D’ILLUSION ; ça va quand même vous faire très, très mal.
vendredi 17 octobre 2008
Le grill de Spitfire
par Joey Spitfire
Salut les enfants ! Bon, au cas où vous auriez passé ces quatre derniers mois inconscients allongés dans une mare de pisse et de dégueulis, faut que je vous dise : ma tendre épouse, la célèbre starlette du porno de bas étage Clover Honey (héroïne de bijoux du cinéma tels que Une Lampée de Miel, Miel aux noisettes et la suite Encore un peu de Miel ?), a porté plainte contre moi pour violences conjugales et je paye ma dette à Chillicothe. Oui, ma femme, celle qui m’a asséné vingt-sept coups de couteau à steak non consécutifs. Elle a eu le culot de dénoncer votre fidèle serviteur aux bignolons pour une malheureuse baffe et une bousculade contre un mur. Voilà comment sont les femmes de nos jours. Et le juge a pris sa défense ! Voilà à quoi ressemble la justice de nos jours. Alors me v’là entouré de Latinos tatoués jusqu’à la moelle, de moricauds en tous genres, et d’enculés qui savaient pas qu’ils étaient pédés avant de me voir dans les douches. Qui a dit que j’avais pas une vie bien remplie ?
Ce qui m’amène au sujet de la chronique de cette semaine. Cher lecteur, sache que j’ai eu droit à mon bizutage ! C’est officiel, Joey Spitfire est désormais la jolie pépée du quartier. J’ai toujours dit que j’avais pas froid aux yeux comme mec. Bah maintenant, j’aurai pas froid au cul non plus.
Donc, j’avais un codétenu dans ma cellule qui s’appelait Ping-Ja-King-Wu-Fung Ding-Dong-Machin-Chouette. Un enfoiré de chinetoque, quoi. Bon. Ça faisait des semaines qu’il me menaçait de ci et ça, alors je lui ai balancé, « Écoute-moi bien le bridé, ôte-toi ça de la tête ou je t’étrangle avec ta bite, mais faudrait encore que ton petit bout de ficelle jaune fasse le tour de ton cou, enfoiré ! » J’veux bien qu’on me déchire le rectum et qu’on m’appelle Charlotte s’il ne s’y est pas donné à cœur joie. Il m’a coincé le bras derrière le dos, m’a cogné mon précieux minois contre le mur, m’a baissé le froc et s’est fait plaisir. Ça m’a tout de suite rappelé les colonies de vacances chez les Cathos. Et tout ce qu’on dit sur les mecs d’Extrême-Orient comme quoi ils auraient un service trois pièces miniature ? Des conneries. Le fils de pute m’a perforé les poumons, oui. Cela dit, je lui ai rendu la monnaie de sa pièce. Enfin, si on veut. Disons que s’il était déjà bridé, j’ai accentué ça avec une lame de rasoir. Il s’est mis à hurler, nom d’un chien ! Pire qu’un môme.
Donc, pourquoi je vous raconte tout ça ? Hmm. Voyons. Mais parce que c’est drôle. Hein que c’est drôle ? Des hommes qui se font violer, c’est drôle. Les gens font tout le temps des blagues là-dessus. C’est drôle, c’est tout. Une femme qui se fait violer, c’est une véritable tragédie. Mais un gars qui se fait violer, c’est à se taper le cul par terre. Vous savez, je suis là pour vous divertir, moi. J’ai des crampes et je ne peux plus rien avaler HO HO HO ELLE EST PAS MAL, CELLE-LÀ ! J’ai des sueurs froides et la nuit j’angoisse HI HI HIIIIII ! Ça fait quatre jours que j’arrête pas de gerber HA HA HA HA ! Je ne peux pas m’asseoir sous peine de faire sauter les points de suture que j’ai au… HOU HOU HA HA ! J’ai une hémorragie au trou de balle HA HA HA !! MAIS ARRÊTE BON SANG !! JE VAIS ME PISSER DESSUS !!!!
Gabba gabba hey,
JS
Joey Spitfire est, on l'aura compris, l'un des personnages de notre Prière pour Dawn, premier inédit américain de Moisson rouge, dont vous êtes priés de croire qu'il vaut le détour.
vendredi 10 octobre 2008
Idée de cadeau
À commander ici et à envoyer au 2 rue Malus, 75005 Paris.
Merci d'avance.
Trois questions à Fernando Bonassi
1 Qui êtes-vous, Fernando Bonassi ?
FB : Je suis né dans le quartier de Mooca, dans la ville de São Paulo (ville, pour ne pas confondre avec l’Etat du même nom - NDLT), en 1962. A l’origine c’était un quartier d’émigrants italiens et espagnols, qui a accueilli plus tard, des migrants de tout le Brésil. Mes grands-parents maternels venaient de Calabre en Italie et mes grands-parents paternels de Mantoue, (également en Italie, Mantoue, la ville où s’exila Roméo)…
Mon grand-père maternel, un animal à peine civilisé, a travaillé 35 ans accroché à la même machine, pour un de ses compatriotes industriels à São Caetano do Sul (tout près de São Paulo, la capitale). Mon grand-père maternel, lui, a prospéré en construisant et louant des petits immeubles d’habitation dans ce qui était alors la banlieue de la ville. Je me souviens très bien d’avoir parcouru des pièces sombres et humides pour aller chercher l’argent des loyers. J’ai vécu dans ces limbes de la petite classe moyenne brésilienne, où la peur de la misère planait au-dessus des repas de famille. Mon envie d’écrire, au début, a fait rire ma famille, mais on s’est rendu compte très vite que je ne voulais rien faire d’autre. Tous les boulots que j’ai exercés (d’ouvrier métallurgiste à vendeur dans une boutique de disques) me paraissaient idiots et je ne les gardais pas longtemps. J’avais pour moi, que j’étais très « studieux », ce qui empêchait les récriminations familiales. Par ailleurs, les membres de ma famille étaient tous ouvriers dans la métallurgie (comme mon grand-père maternel, dont je me suis inspiré pour le personnage du Vieux dans Suburbio) et extrêmement réactionnaires. Au milieu de cette culture étouffante, j’ai commencé très tôt à penser quitter la maison (ma mère raconte qu’à quatre ans j’ai fait ma valise et je suis parti m’asseoir sur le trottoir), mais aussi du fait de la conscience politique que j’avais acquis en vivant dans une ville qui a été le berceau du nouveau syndicalisme brésilien et où est né le Parti des Travailleurs, d’où est issu Lula, l’actuel président de la République. Cela apparaît de façon évidente dans tout ce que je fais, en particulier dans mon questionnement sur une supposée « éthique du travail », qui n’est rien d’autre que la forme morale du fascisme, pour maintenir les ouvriers dans une torpeur bovine.
Je fais partie de la première génération de ma famille à avoir fait des études universitaires (Ecole de Communication et Arts de l’Université de São Paulo) et cela dans les derniers temps de la dictature, dans un contexte extrêmement créatif, audacieux, malgré l’oppression.
J’ai commencé à écrire parce que je suis tombé amoureux d’une fille que je n’intéressais pas, qui ne me regardait même pas… J’ai donc décidé de lui écrire des lettres. Et je me suis rendu compte pendant que j’écrivais ces lettres, que le simple fait d’écrire, de mettre sur papier la douleur de n’être pas aimé, me soulageait. J’ai compris très vite qu’écrire c’était faire quelque chose pour ne pas devenir fou au milieu de toutes ces carences, de la précarité dans les quelles que nous vivions. Que c’était le seul travail vraiment indispensable.
Dans les 40 dernières années, la ville de São Paulo est passée de quatre millions d’habitants à plus de vingt millions aujourd’hui. Ecrire dans un endroit comme celui-là, au milieu de ces 20 millions de gens qui essaient survivre dans le manque d’espace, d’air pur, de santé publique, avec une police qui a gardé dans sa formation les idées barbares de la dictature n’est pas difficile. La tragédie brésilienne pullule quotidiennement dans les journaux…
J’ai lu Henry Miller, Albert Camus et Graciliano Ramos (grand écrivain brésilien né en 1892 dans le Nordeste, mort en 1925, très engagé à gauche NDLT) comme on lit la Bible, je suis le produit moral de ces auteurs. Cela dit, je tiens compte de l’importance de l’amour (y compris sexuel), d’un positionnement éthique et je ressens, en même temps, une certaine gêne à écrire. Il me semble que c’est quelque chose de vain dans les circonstances historiques actuelles…
Mes hobbies ? Quelques uns illégaux, d’autres plus raisonnables… Le meilleur d’entre eux a été de m’occuper de ma fille Valentina, qui a quatre ans, en attendant la naissance de Uma, ma nouvelle fille qui va naître bientôt.
2 Vous êtes connu au Brésil comme scénariste, dramaturge, réalisateur, écrivain. Mais comment et pourquoi avez-vous commencé à écrire des romans ? Qu’est-ce qui vous a motivé ? Et quels sont vos thèmes favoris ?
FB : A l’origine, je suis un écrivain. Vint-cinq de mes livres ont été publiés à ce jour, entre nouvelles, romans, littérature pour la jeunesse. Je travaille pour le cinéma juste pour gagner ma vie, puisque le cinéma brésilien a oublié son impertinence de jadis. Quant au théâtre, c’est mon principal champ d’expérimentation. Je suis en train de finaliser ma troisième direction théâtrale. Actuellement j’écris et je mets en scène des monologues qui connaissent un certain succès. C’est à ce stade de ma vie le travail de création qui me donne le plus de plaisir.
3 Vous parlez tellement bien des personnages de Suburbio, des gens qu’on a pas l’habitude ici en France de rencontrer dans la littérature brésilienne : le petit prolétariat de São Caetano do Sul, São Paulo. Vous pouvez me dire ce que représentent pour vous São Caetano do Sul et ses habitants, en général et pour vous en particulier ?
FB : São Caetano do Sul avec São Bernardo et Santo André, forment ce qu’on appelle l’ABC pauliste. C’est le berceau de l’industrie automobile qui a pris d’assaut le pays à la fin des années 50. C’est là aussi comme je l’ai dit plus haut, qu’est né un nouveau syndicalisme, plus hardi et inventif que ce que s’autorisaient les leaders du temps de la dictature et qui a été à l’origine d’une des plus importantes expériences de la gauche latino-américaine, le Parti des Travailleurs. Même si je trouve que le gouvernement du Président Lula est un peu nul en ce qui concerne ses résultats sociaux (il est plus mercantiliste que le Roi !), il est évident que ses positions sont d’une meilleure qualité démocratique. Dans un pays qui nage dans les contradictions les plus folles, il n’y a pas beaucoup de solutions pour le citoyen : ou il se flingue, ou il intègre l’imbécillité régnante… ou il écrit contre cette imbécilité !
Fernando Bonassi, Suburbio Traduit du portugais (Brésil) par Danielle Schramm
mercredi 8 octobre 2008
Chroniques domestiques: palettes blues
N'oublions pas, dans tout ça, que nos livres, même s'ils ne sont pas en tête de gondole chez Leclerc, existent, et qu'on peut les acheter. Que Moisson rouge, c'est toujours du world polar subversif: le mois dernier l'explosif Prière pour Dawn, de Nathan Singer, ce mois-ci le très poétique et très noir Suburbio, de Fernando Bonassi. L'Amérique post-11 septembre qui détruit ses enfants; le Brésil ouvrier et misérable dont on ne parle jamais. Ici, on parle de tout ça. Et on en est fier.