lundi 22 décembre 2008
Trève des confiseurs
mardi 9 décembre 2008
Café Crimes
Jour de finale de la Copa Libertadores qui couronne le club de foot champion d’Amérique du Sud. Les deux équipes rivales de la frontière, les Chacals et les Coyotes, s’affrontent pour la première fois à ce niveau de la compétition. Quelques heures avant le match, l’entraîneur des Chacals est retrouvé assassiné à plusieurs centaines de kilomètres du stade. De quoi rendre explosive l’ambiance de la ville et déchaîner la folie des supporters ultras et des narcos des deux bords. Pour faire face à cette situation de crise, on doit faire appel à l’unité d’élite de la police, les Jaguars, dirigée par l’incorruptible Cauthémoc Bolivar, qui débarque dans une capitale en état de siège. Présidents véreux, tueurs à gages à la solde des puissants cartels de la drogue, matchs et paris truqués, joueurs achetés, corruption à tous les étages : entre l’Amérique du Sud et l’Europe, Narco Football Club narre une saison de foot particulière sur fond de blanchiment d’argent et de trafic de drogue. À l’heure du foot business, ce roman plonge dans les coulisses et les bas-fonds du sport roi.
Piqûre de rappel
mercredi 3 décembre 2008
Déflation radicale, par Kriss Vilà, écrivain punk maison
Et Moisson rouge continue à repomper les chroniques de son auteur punk préféré, à suivre sur son blog et celui de Thierry Marignac.
Dickkie’s routine
(traduit du ricane par El Coco Kif assisté de la très androgyne Sara)
Coco Kid est sur le canapé avec Sara en mode lover. Momort le White est effondré dans un coin, il s’en est sniffé un litre. Dickkie arrive et renverse un sac G20 sur la table. Bruit composite mou et métallique des billets et des pièces. Il pousse les deux autres, se pose et commence à tirer un rail, regard façon groupe terroriste d’ultragauche.
— Putain kid j’ai TROP les nerfs.
— Y’a quoi Dickkie : plus de monnaie pour payer ta dope ? lol !
— Attends, tu vas pas te mettre à dire lol à tous les coins de phrases.
— Euh… Xcuse-moi ça m’a échappé… lol, mdr.
— Putain, t’es grave kid. On te parle de trucs sérieux et tu fais ton tintin.
— Bon, vas-y, enchaîne : c’est quoi ton problème ?
— Y’a que tout à l’heure, j’ai besoin de fraîche, j’vais à la banque, j’arrive devant la caissière, j’y plante mon pushka dans la bouche, j’y demande l’oseille et là, mec, elle se met à chialer.
— Ben… Fa t’apprendra à faire pfeur aux pfauv’zempfloyées de bfanque !
— Arrête tes conneries Sara, suce et tais-toi. Donc, elle se met à pleurer sa mère et à faire mmm mmm, j’y enlève le gun du bec et tu sais ce qu’elle me dit ?
— A dit quoi ?
— Vous êtes le troisième depuis ce matin, a dit... Mais c’est pas la peine… je suis obligée de vous répondre comme aux deux autres : y’a plus rien à braquer, les caisses sont vides.
— Le banquier est passé avant toi ?
— Même pas mec : l’argent n’existe plus. Il s’est volatilisé, t’as compris ?
— Mec, je sais pas à quoi tu carbures, mais j’ai une faiblesse, là : l’argent n’existe plus, on a GAGNÉ ?
— Nan man, sors de ta vape c’est la GRoSSe crise on te dit.
— Mmm mmm, mmm mmm ’ien !
— A dit quoi encore l’anale philosophique ?
— Elle dit que l’argent est comme la came : le soir y’en a un gros tas, le lendemain y’a plus rien.
— Bon vas-y au G20 ils en avaient encore un peu. J’leur ai fait vider les caisses fissa, j’ai tout pris même les fonds de caisse et je m’suis tiré.
Momort entrouvre un œil couleur glauque.
— Wef Dickk là t’en fais quoi d’la caillasse ? Tu vas la fixer ton oseille ? Rhmf ! hmf hmf !
— Ça te fait marrer le tordu ? Nan, mec, c’t oseille, je l’ai pris pour voir si c’est vrai. J’ai touché un speed ukrainien et je vais guetter ce tas de fric toute la nuit et voir si c’est vrai et si il s’évapore vraiment, le putain de dieu de blé !
jeudi 27 novembre 2008
Kriss Vilà : en bloc (par Antoine Chainas)
Pour vous donner une idée, tentons une expérience à la Ballard : remplaçons le gros mot "punk" par le gros mot "littérature" et prenons un extrait de Sang Futur :
"[Littérature] ne veut rien ne cherche pas de Solution n'essaye pas d'être comprise vous comprenez... ne se reconnaît pas de porte-parole ne négocie pas son plaisir hurle et rote roule des pelles ne s'aime pas n'aime personne vous vomis épingle à nourrice plantée dans la lèvre broche de métal fichée dans la paroi nasale pour rien le plaisir la Sensation s'évanouir la douleur le Sang la Sensation."
Voilà ce que ce bouquin représente, ou aurait pu représenter (il est passé quasiment inaperçu à sa sortie) ou devrait représenter à l'heure actuelle ou représentera peut-être demain si les enfants des masses laborieuses ont la force de se réveiller. Tout y fait sens (ou absence de sens, justement), tout concourt au même objectif (ou absence d'objectif) : texte, ponctuation, narration, illustration... Il n'y a aucune beauté, aucun encouragement ni position morale, il n'y a que le pouvoir des mots, tendus, en bloc, à l'énergie, au flash. Une puissance nihiliste brève comme un fix qui ne s'est pas reproduite depuis (sauf de manière sporadique et marginale avec des gens comme Nada ou Stewart Home, grâce leur soit rendue) mais que Moisson Rouge ressuscite avec un courage exemplaire. Car la contestation est radicale, elle ne souffre aucune idéologie, se suffit à elle-même, se mutile avec un rictus mauvais, sachant qu'après elle, il ne restera rien. Rien. Et l'amputation nous renvoie rétrospectivement, avec la vigueur d'un membre fantôme qui continue de brûler, à ce qui manque dans la littérature contemporaire : une écriture strictement individuelle, urgente et vitale qui, par ces caractères, justement, est mieux armée qu'une autre pour non pas survivre, mais "exister". Une écriture en dehors de tous les canons, en dehors de tout impératif commercial, en dehors des genres, une écriture qui "est" sans autre raison ni but qu'elle-même. Merci Moisson Rouge. Merci Kriss Vilà. Le no futur est mort. Longue vie au no futur.
lundi 24 novembre 2008
Signatures
Les éditions Moisson rouge et Rivages organisent une signature-débat avec Serguei Dounovetz et Abdel Hafed Benotman, animé par Hervé Delouche, à la librairie La Terrasse de Gutenberg, le vendredi 12 décembre à partir de 18 heures 30.
L'adresse: 9 rue Emilio Castelar Paris 12e
Renseignements auprès de Moisson rouge ou de la librairie (01 43 07 42 15).
Et évidemment, venez nombreux...
vendredi 21 novembre 2008
jeudi 13 novembre 2008
Noir sur la ville, Lamballe
José Ovejero, l'auteur des Vies parallèles, le premier livre des éditions Moisson rouge (presque un an déjà...), sera présent au festival Noir sur la ville, de Lamballe, le samedi 15 novembre, pour un débat et une signature.
On y croisera aussi, dixit le site du festival, une quarantaine d'auteurs et de spécialistes du roman noir...
Bientôt d'autres événements Moisson rouge, tenez-vous au courant sur notre blog ou notre site.
mardi 11 novembre 2008
Comité de lecture
jeudi 30 octobre 2008
Serguei Dounovetz
Sortie aujourd'hui, 30 octobre, d'Un ange sans elle, de Serguei Dounovetz, premier inédit français de Moisson rouge (et pas le dernier: on en reparle). Un dossier très complet est consacré à l'auteur sur notre site internet. Et pour vous donner envie, un extrait du livre :
"Un grain de sable s’était glissé dans les rouages huilés de son implacable certitude. Ce grain de sable portait un nom qui sonnait comme une note interdite que les jazzmen vont puiser très loin au fond de leurs tripes, une note qui vient du ventre, laissant invariablement une cicatrice. Cette fausse note, dans l’univers d’Angelo, s’appelait Nombril. Non pas nombril, comme un nombril, mais Nombril, comme le nom d’une femme qui posséderait le plus bel orifice de la création. Perdre revenait à ne rien perdre… Pour la première fois de sa vie, La Trique doutait de sa propre doctrine, celle qui l’avait amené au sommet. Et c’était un grain de sable, un vulgaire grain de sable, roux, rond et chaud, avec une cervelle de moineau, qui venait de gripper la machine. C’est pourquoi Di Savino avait réuni dans son bureau son gang au grand complet. Dix hommes, sans compter la sentinelle en faction sur l’immense terrasse. Tao et Frégate, ses fidèles lieutenants, se tenaient debout à ses côtés, les bras croisés, les griffes rentrées. Les frères siamois étaient inséparables. Petits et maigres, ils ne payaient pas plus de mine que des crayons mâchouillés ayant servi à remuer le café. Mais pour qui savait observer l’espèce humaine, dans les châssis de ces deux-là, on ne lisait que du malheur. Angelo, ramassé dans son fauteuil, les coudes posés sur son bureau, ses longues mains osseuses jointes à hauteur du menton, faisait craquer ses articulations. Habillé d’un sobre costume noir à la coupe impeccable, sur un col roulé en laine d’Écosse, il avait quelque chose du Nosferatu de Murnau. Mais le patron du Dancing Vamping n’était pas un vampire ordinaire."
Communiqué, par Kriss Vilà
mardi 28 octobre 2008
La face cachée de São Paulo
Un reportage sur Fernando Bonassi lu sur le blog des journalistes Marc Fernandez et Jean-Christophe Rampal: Avec Fernando Bonassi, vous courez le risque de découvrir un autre Brésil, bien plus sombre et bien plus violent que tous les horribles faits divers que vous avez pu lire, voir ou entendre. Rencontre au moment où son premier roman traduit en français vient d’être publié. La suite est ici.
Lu aussi sur Actu du noir, le blog de l'excellent polarophage Jean-Marc Laherrère:
Si on ne devait reconnaître qu’une qualité aux éditions Moisson Rouge, ce serait sans conteste de ne pas reculer devant la difficulté ! Pas de doute, il sont des guts (pour ne pas dire autre chose) et ne manquent pas de culot. Après le sulfureux Prière pour Dawn de Nathan Singer, auquel on peut trouver des défauts, mais qu’on ne peut certainement pas accuser de caresser le lecteur dans le sens du poil, ils persistent, dans un style totalement différent, avec Suburbio du brésilien Fernando Bonassi. Singer c’est l’éruption volcanique, l’explosion désordonnée, Bonassi c’est la litanie, la mélopée, l’engourdissement avant le coup de trique qui vous met KO debout, au moment où vous ne vous y attendez plus.
mercredi 22 octobre 2008
Un ange sans elle
Une bombe sexuelle prénommée Nombril parce qu'elle a le plus beau nombril du monde, un tueur à gages à la solde de l'ange Gabriel, des nonnes qui trimballent un frigo au milieu du désert, le diable retraité à New York: Serguei Dounovetz trinque à la santé de son dernier polar, le très disjoncté Un ange sans elle, à paraître aux éditions Moisson rouge le 30 octobre.
mardi 21 octobre 2008
LA CONFUsION LA PLus TOtALe
Prête à tout pour ses lecteurs impécunieux entraînés dans la spirale de la faillite (sauf à leur refiler de l’oseille), la rédaction de ChroniquesMarignac s’est adressée au seul écrivain punk français (Kriss Vilà) :
Les aventures décapantes du White Spirit Flash Klub, de nouveau au goût du jour, ont été rééditées juste à temps pour la fin du monde civilisé chez MOISSON ROUGE en 2008, DISPONIBLES ICI.
. Vilà, Krise,
10 CONSEILS POUR SURVIVRE À LA CRISE,
La crise, c’est d’abord la grosse arnaque des dealers de crédit qui avec un kilo ont voulu en faire deux, puis quatre, huit, seize… Ils croyaient que le profit, c’est comme le ciel, ça n’a pas de limite ! Mais, arrivée aux deux cent cinquante-six kils, bien sûr, leur poudre magique s’est totalement diluée dans le lactose et n’a plus rien valu. Résultat de la course : ces fameux junk bonds que ces véreux de banquiers ont rachetés les yeux fermés, en se disant que même si la came était pourrie, il suffisait de la diluer un peu plus pour que ça ne se voit plus. Des maîtres escrocs, on vous dit. Et pourquoi se gêner ? Tout ça ne servait en fait qu’à préparer une autre arnaque, bien plus raffinée, et avec cette fois la complicité des politiques qui, toujours ultra-libéraux mais avançant plus que jamais masqués, se sont empressés de dérouler un tapis d’or à ces messieurs de la finance.
Dans un premier temps, l’arnaque en question, si transparente qu’aucun bouffon de la Presse ne l’a dénoncée, même s’il faut être un total abruti pour ne pas la voir, consiste à diminuer les taux d’intérêt des banques centrales et à… augmenter le taux des prêts aux entreprises et aux particuliers, c’est à dire à gonfler toujours plus les profits des banques, qui foutent tout de même, tous les mois et entre autres, cinquante mille emprunteurs américains à la rue. Et comme à côté, miracle, y’a la bonne grosse provision que les politicards croupions ont mis à leur disposition, elles vont pas se gratter pour spéculer encore plus. Compris ?
On touche là au stade ultime du capitalisme financier : ruiner l’économie entière au profit des actionnaires. C’est complètement con, à terme, peut-être, mais encore une fois pourquoi se gêneraient-ils, puisque l’économie leur appartient, et que les 6,5 milliards de grosses taches que nous sommes, pieds et poings liés par LEUR fric, nous dépendons totalement de leur bon vouloir.
Pour quelle nouvelle arnaque ?
(Quant aux crétins de franchouillards qui croient que notre Nain national va aller faire les gros yeux aux messieurs de Wall Street, et que ceux-là vont courber l’échine, c’est pas des veaux, c’est même pas des limaces... On leur dit que le danger est passé, ils ne voient pas qu’ils rampent au milieu d’un rail d’acier et que le TGV va les réduire à leur état naturel : celui de mollards gluants.)
Pour survivre à la crise, j’ai pas 36 conseils à donner, ni même 10, mais un et un seul : courez vous acheter un énorme tube de vaseline, mais NE VOUS FAITES PAS D’ILLUSION ; ça va quand même vous faire très, très mal.
vendredi 17 octobre 2008
Le grill de Spitfire
par Joey Spitfire
Salut les enfants ! Bon, au cas où vous auriez passé ces quatre derniers mois inconscients allongés dans une mare de pisse et de dégueulis, faut que je vous dise : ma tendre épouse, la célèbre starlette du porno de bas étage Clover Honey (héroïne de bijoux du cinéma tels que Une Lampée de Miel, Miel aux noisettes et la suite Encore un peu de Miel ?), a porté plainte contre moi pour violences conjugales et je paye ma dette à Chillicothe. Oui, ma femme, celle qui m’a asséné vingt-sept coups de couteau à steak non consécutifs. Elle a eu le culot de dénoncer votre fidèle serviteur aux bignolons pour une malheureuse baffe et une bousculade contre un mur. Voilà comment sont les femmes de nos jours. Et le juge a pris sa défense ! Voilà à quoi ressemble la justice de nos jours. Alors me v’là entouré de Latinos tatoués jusqu’à la moelle, de moricauds en tous genres, et d’enculés qui savaient pas qu’ils étaient pédés avant de me voir dans les douches. Qui a dit que j’avais pas une vie bien remplie ?
Ce qui m’amène au sujet de la chronique de cette semaine. Cher lecteur, sache que j’ai eu droit à mon bizutage ! C’est officiel, Joey Spitfire est désormais la jolie pépée du quartier. J’ai toujours dit que j’avais pas froid aux yeux comme mec. Bah maintenant, j’aurai pas froid au cul non plus.
Donc, j’avais un codétenu dans ma cellule qui s’appelait Ping-Ja-King-Wu-Fung Ding-Dong-Machin-Chouette. Un enfoiré de chinetoque, quoi. Bon. Ça faisait des semaines qu’il me menaçait de ci et ça, alors je lui ai balancé, « Écoute-moi bien le bridé, ôte-toi ça de la tête ou je t’étrangle avec ta bite, mais faudrait encore que ton petit bout de ficelle jaune fasse le tour de ton cou, enfoiré ! » J’veux bien qu’on me déchire le rectum et qu’on m’appelle Charlotte s’il ne s’y est pas donné à cœur joie. Il m’a coincé le bras derrière le dos, m’a cogné mon précieux minois contre le mur, m’a baissé le froc et s’est fait plaisir. Ça m’a tout de suite rappelé les colonies de vacances chez les Cathos. Et tout ce qu’on dit sur les mecs d’Extrême-Orient comme quoi ils auraient un service trois pièces miniature ? Des conneries. Le fils de pute m’a perforé les poumons, oui. Cela dit, je lui ai rendu la monnaie de sa pièce. Enfin, si on veut. Disons que s’il était déjà bridé, j’ai accentué ça avec une lame de rasoir. Il s’est mis à hurler, nom d’un chien ! Pire qu’un môme.
Donc, pourquoi je vous raconte tout ça ? Hmm. Voyons. Mais parce que c’est drôle. Hein que c’est drôle ? Des hommes qui se font violer, c’est drôle. Les gens font tout le temps des blagues là-dessus. C’est drôle, c’est tout. Une femme qui se fait violer, c’est une véritable tragédie. Mais un gars qui se fait violer, c’est à se taper le cul par terre. Vous savez, je suis là pour vous divertir, moi. J’ai des crampes et je ne peux plus rien avaler HO HO HO ELLE EST PAS MAL, CELLE-LÀ ! J’ai des sueurs froides et la nuit j’angoisse HI HI HIIIIII ! Ça fait quatre jours que j’arrête pas de gerber HA HA HA HA ! Je ne peux pas m’asseoir sous peine de faire sauter les points de suture que j’ai au… HOU HOU HA HA ! J’ai une hémorragie au trou de balle HA HA HA !! MAIS ARRÊTE BON SANG !! JE VAIS ME PISSER DESSUS !!!!
Gabba gabba hey,
JS
Joey Spitfire est, on l'aura compris, l'un des personnages de notre Prière pour Dawn, premier inédit américain de Moisson rouge, dont vous êtes priés de croire qu'il vaut le détour.
vendredi 10 octobre 2008
Idée de cadeau
À commander ici et à envoyer au 2 rue Malus, 75005 Paris.
Merci d'avance.
Trois questions à Fernando Bonassi
1 Qui êtes-vous, Fernando Bonassi ?
FB : Je suis né dans le quartier de Mooca, dans la ville de São Paulo (ville, pour ne pas confondre avec l’Etat du même nom - NDLT), en 1962. A l’origine c’était un quartier d’émigrants italiens et espagnols, qui a accueilli plus tard, des migrants de tout le Brésil. Mes grands-parents maternels venaient de Calabre en Italie et mes grands-parents paternels de Mantoue, (également en Italie, Mantoue, la ville où s’exila Roméo)…
Mon grand-père maternel, un animal à peine civilisé, a travaillé 35 ans accroché à la même machine, pour un de ses compatriotes industriels à São Caetano do Sul (tout près de São Paulo, la capitale). Mon grand-père maternel, lui, a prospéré en construisant et louant des petits immeubles d’habitation dans ce qui était alors la banlieue de la ville. Je me souviens très bien d’avoir parcouru des pièces sombres et humides pour aller chercher l’argent des loyers. J’ai vécu dans ces limbes de la petite classe moyenne brésilienne, où la peur de la misère planait au-dessus des repas de famille. Mon envie d’écrire, au début, a fait rire ma famille, mais on s’est rendu compte très vite que je ne voulais rien faire d’autre. Tous les boulots que j’ai exercés (d’ouvrier métallurgiste à vendeur dans une boutique de disques) me paraissaient idiots et je ne les gardais pas longtemps. J’avais pour moi, que j’étais très « studieux », ce qui empêchait les récriminations familiales. Par ailleurs, les membres de ma famille étaient tous ouvriers dans la métallurgie (comme mon grand-père maternel, dont je me suis inspiré pour le personnage du Vieux dans Suburbio) et extrêmement réactionnaires. Au milieu de cette culture étouffante, j’ai commencé très tôt à penser quitter la maison (ma mère raconte qu’à quatre ans j’ai fait ma valise et je suis parti m’asseoir sur le trottoir), mais aussi du fait de la conscience politique que j’avais acquis en vivant dans une ville qui a été le berceau du nouveau syndicalisme brésilien et où est né le Parti des Travailleurs, d’où est issu Lula, l’actuel président de la République. Cela apparaît de façon évidente dans tout ce que je fais, en particulier dans mon questionnement sur une supposée « éthique du travail », qui n’est rien d’autre que la forme morale du fascisme, pour maintenir les ouvriers dans une torpeur bovine.
Je fais partie de la première génération de ma famille à avoir fait des études universitaires (Ecole de Communication et Arts de l’Université de São Paulo) et cela dans les derniers temps de la dictature, dans un contexte extrêmement créatif, audacieux, malgré l’oppression.
J’ai commencé à écrire parce que je suis tombé amoureux d’une fille que je n’intéressais pas, qui ne me regardait même pas… J’ai donc décidé de lui écrire des lettres. Et je me suis rendu compte pendant que j’écrivais ces lettres, que le simple fait d’écrire, de mettre sur papier la douleur de n’être pas aimé, me soulageait. J’ai compris très vite qu’écrire c’était faire quelque chose pour ne pas devenir fou au milieu de toutes ces carences, de la précarité dans les quelles que nous vivions. Que c’était le seul travail vraiment indispensable.
Dans les 40 dernières années, la ville de São Paulo est passée de quatre millions d’habitants à plus de vingt millions aujourd’hui. Ecrire dans un endroit comme celui-là, au milieu de ces 20 millions de gens qui essaient survivre dans le manque d’espace, d’air pur, de santé publique, avec une police qui a gardé dans sa formation les idées barbares de la dictature n’est pas difficile. La tragédie brésilienne pullule quotidiennement dans les journaux…
J’ai lu Henry Miller, Albert Camus et Graciliano Ramos (grand écrivain brésilien né en 1892 dans le Nordeste, mort en 1925, très engagé à gauche NDLT) comme on lit la Bible, je suis le produit moral de ces auteurs. Cela dit, je tiens compte de l’importance de l’amour (y compris sexuel), d’un positionnement éthique et je ressens, en même temps, une certaine gêne à écrire. Il me semble que c’est quelque chose de vain dans les circonstances historiques actuelles…
Mes hobbies ? Quelques uns illégaux, d’autres plus raisonnables… Le meilleur d’entre eux a été de m’occuper de ma fille Valentina, qui a quatre ans, en attendant la naissance de Uma, ma nouvelle fille qui va naître bientôt.
2 Vous êtes connu au Brésil comme scénariste, dramaturge, réalisateur, écrivain. Mais comment et pourquoi avez-vous commencé à écrire des romans ? Qu’est-ce qui vous a motivé ? Et quels sont vos thèmes favoris ?
FB : A l’origine, je suis un écrivain. Vint-cinq de mes livres ont été publiés à ce jour, entre nouvelles, romans, littérature pour la jeunesse. Je travaille pour le cinéma juste pour gagner ma vie, puisque le cinéma brésilien a oublié son impertinence de jadis. Quant au théâtre, c’est mon principal champ d’expérimentation. Je suis en train de finaliser ma troisième direction théâtrale. Actuellement j’écris et je mets en scène des monologues qui connaissent un certain succès. C’est à ce stade de ma vie le travail de création qui me donne le plus de plaisir.
3 Vous parlez tellement bien des personnages de Suburbio, des gens qu’on a pas l’habitude ici en France de rencontrer dans la littérature brésilienne : le petit prolétariat de São Caetano do Sul, São Paulo. Vous pouvez me dire ce que représentent pour vous São Caetano do Sul et ses habitants, en général et pour vous en particulier ?
FB : São Caetano do Sul avec São Bernardo et Santo André, forment ce qu’on appelle l’ABC pauliste. C’est le berceau de l’industrie automobile qui a pris d’assaut le pays à la fin des années 50. C’est là aussi comme je l’ai dit plus haut, qu’est né un nouveau syndicalisme, plus hardi et inventif que ce que s’autorisaient les leaders du temps de la dictature et qui a été à l’origine d’une des plus importantes expériences de la gauche latino-américaine, le Parti des Travailleurs. Même si je trouve que le gouvernement du Président Lula est un peu nul en ce qui concerne ses résultats sociaux (il est plus mercantiliste que le Roi !), il est évident que ses positions sont d’une meilleure qualité démocratique. Dans un pays qui nage dans les contradictions les plus folles, il n’y a pas beaucoup de solutions pour le citoyen : ou il se flingue, ou il intègre l’imbécillité régnante… ou il écrit contre cette imbécilité !
Fernando Bonassi, Suburbio Traduit du portugais (Brésil) par Danielle Schramm
mercredi 8 octobre 2008
Chroniques domestiques: palettes blues
N'oublions pas, dans tout ça, que nos livres, même s'ils ne sont pas en tête de gondole chez Leclerc, existent, et qu'on peut les acheter. Que Moisson rouge, c'est toujours du world polar subversif: le mois dernier l'explosif Prière pour Dawn, de Nathan Singer, ce mois-ci le très poétique et très noir Suburbio, de Fernando Bonassi. L'Amérique post-11 septembre qui détruit ses enfants; le Brésil ouvrier et misérable dont on ne parle jamais. Ici, on parle de tout ça. Et on en est fier.
vendredi 26 septembre 2008
Nathan Singer, notre envoyé spécial en enfer
Prière pour Dawn est le premier roman de Nathan Singer. Quand Moisson rouge a décidé de mettre en bandeau l'Attrape-Coeurs 2008, il ne s'agissait pas (simplement) de stratégie commerciale. L'Attrape-coeurs est ce roman culte de Salinger qui mettait en scène un adolescent, Holden Caufield, viré de son école et découvrant qui il était pendant une fugue de quelques jours. Dans Prière pour Dawn, c'est l'ensemble des personnages qui donnent l'impression d'être sortis du roman de Salinger pour partir à la découverte d'eux même, non plus dans l'Amérique heureuse et rockwellienne des années 50 mais dans le Disneyland préfasciste de l'après 11 Septembre.
Ils ne sont plus confrontés simplement à une quête d'identité mais à une violence protéiforme: politique, raciale, sexuelle, narcotique. C'est une Amérique où une petite fille de 9 ans vit entourée de pornographie, de came, d'ordre moral intrusif, de tours qui s'effondrent, une Amérique où un adolescent poète de 15 ans assume avec un mélange d'arrogance et de douceur une homosexualité hyperbolique avant de choisir le nomadisme révolutionnaire, une Amérique où l'on manifeste devant les couloirs de la Mort mais où un flic de Cincinatti peut lancer , par puritanisme, une chasse à l'homme après un dessinateur de génie (père de notre petite Dawn), une Amérique où les derniers hommes libres sont les chroniqueurs des journaux underground, ces samizdat de la dictature capitaliste.
Nathan Singer qui avait un peu plus de vingt cinq ans à l'écriture de ce livre maitrise parfaitement la polyphonie, sait jouer du contraste entre l'insoutenable (des viols à mort en taule), le magique (la télépathie entre fumeurs d'opium), le politique (les groupes radicaux anti-Bush) et la beauté pure (les poèmes qui scandent le récit).
On nous permettra pour conclure (provisoirement)à propos de Prière pour Dawn de citer Saint-Paul qui aurait parfaitement pu se trouver en exegue du livre: "Là où le péché abonde, la Grâce surabonde."
Jérôme Leroy
Nathan Singer, Prière pour Dawn, 18 euros.
mercredi 17 septembre 2008
Le Brésil qui ne danse pas...
L’histoire d’un couple de vieux vivant dans une zone industrielle de São Paulo, liés par la rancœur et par l’échec, face à leur extrême solitude et au délitement des liens sociaux. L’histoire d’une rencontre entre le vieux et une petite fille qui vient illuminer leur vie quelques instants.
Fernando Bonassi est né à São Paulo en 1962, où il a étudié le cinéma. Il est scénariste, dramaturge et auteur de nombreux romans et nouvelles. Plusieurs de ses écrits ont été adaptés au cinéma et ont reçu de nombreux prix. Il est également chroniqueur pour le plus grand journal du Brésil, le Folha de São Paulo.
Bonassi fait partie d’une nouvelle génération d’auteurs qui renouvèlent profondément la littérature brésilienne et qui, pour dresser le portrait de cette société en crise et en mutation, trempent leur plume dans une encre sépia.
Subúrbio est le premier livre de la collection Semana Negra, dirigée par Paco Ignacio Taibo II.
En librairie le 25 septembre.
lundi 25 août 2008
Sortie de Prière pour Dawn!
« JOEY SPITFIRE NE VIT JAMAIS le monde en flammes. Ni les avions percuter les tours du World Trade Center. Il manqua la parano de l’anthrax. Il ne vit jamais les bombes larguées sur l’Afghanistan et partout ailleurs. Il ne vit jamais l’afflux d’escrocs à la petite semaine marqués de petite vérole dans les pénitenciers du pays. Il ne vit jamais les camps d’internement. Les mises en détentions. Les interrogatoires. Les tribunaux. Il ne vit jamais cette guerre absolument nécessaire et absolument impossible à gagner. Une guerre sans fin. Il vécut dans un monde d’une futilité insensée. Un monde qui n’avait pas perdu son sang-froid. Un monde froid. Le monde de l’ironie qui sonne creux. Il mourut avec ce monde-là. »
Dans ce monde chaotique, au milieu d’adultes à la dérive, jaillit la voix innocente de la petite Dawn, neuf ans, dont la vie bascule le jour où son père est accusé d’incitation à la pédophilie.
Roman choral, fresque noire et poétique, Prière pour Dawn est le portrait hanté d’une Amérique qui perd ses illusions en même temps qu’une enfant.
Romancier, musicien et performer, Nathan Singer, trente ans, vit à Cincinnati. Prière pour Dawn est son premier roman.
(Remarquablement) traduit de l'anglais (États-Unis) par Laure Manceau
18 euros
jeudi 21 août 2008
Prière pour Dawn par Nathan Singer
À quelques jours de la sortie du livre, un nouvel extrait de Prière pour Dawn joué par Nathan Singer. Et pour en savoir plus sur le roman et l'auteur, consultez le dossier spécial que nous lui avons consacré sur le site de Moisson rouge. En librairie le 25 août; nous on piaffe...
jeudi 14 août 2008
Dossier Nathan Singer
Retrouvez sur le site de Moisson rouge un dossier spécial Nathan Singer, à l'occasion de la sortie de Prière pour Dawn.
Un entretien, une vidéo, des extraits du roman...
Avant-goût:
Prière pour Dawn a été écrit il y a quatre ans alors que George W. Bush était (sur le point d'être ?) triomphalement réélu. Quatre ans plus tard, écririez-vous le même livre ?
En fait, il a été publié en 2004 mais je l’ai écrit entre le mois d’août 2001 et celui de février 2002 (à peu près la période couverte par le livre). Si je devais l’écrire aujourd’hui, il serait BEAUCOUP plus sombre, beaucoup plus désolé (avec, je l’espère, quelques moments drôles mais je n’en suis pas certain). Les Etats-Unis n’avaient pas encore envahi l’Irak. Les photos des tortures et des agressions sexuelles commises à Abu Ghraib par des soldats américains n’existaient pas encore. Tout cela aurait sans doute joué un rôle dans Prière pour Dawn tout comme l’exécution de Saddam Hussein, particulièrement les images qui en ont été diffusées. Je suis papa maintenant et cela aurait probablement joué sur l’écriture. Ce qui était fou dans cette période qui a suivi le 11 septembre, c’est que vous n’étiez pas autorisé à ridiculiser le Président, ce qui constitue pourtant un passe-temps consacré aux Etats-Unis. Et jamais il n’y avait eu cible méritant plus de mépris et de raillerie que George W. Bush. Heureusement, nous en sommes revenus et, aujourd’hui, il est constamment ridiculisé, mais lorsque j’écrivais le livre, il était intouchable. Il avait 90 % d’opinions favorables ! Nous avions donc cet imbécile pourri gâté, corrompu et sociopathe, à peine capable de parler sa propre langue qui s’agitait ici et là en jouant aux déguisements et précipitait le pays dans le mur (avec l’aide de sa joyeuse bande organisée de voleurs et de criminels de guerre) et tout le monde avait bien trop peur pour l’attaquer sur ses conneries. Jusqu’à aujourd’hui, même les tout-puissants Simpson ont été trop dégonflés pour embrocher ce tas fumant d’immondices humains. Quelle occasion manquée ! À de nombreux égards, Prière pour Dawn est une satire à propos de la mort de la satire.
vendredi 8 août 2008
L'amour du noir: à propos de Manchette
Rappelons, pour commencer, deux ou trois « banalités de base » aurait dit Vaneigem, l’auteur du Savoir-vivre à l’usage des jeunes générations, paru en 1967, année où Debord publie également La société du Spectacle et où Jean-Patrick Manchette commence son Journal. Parmi ces banalités de base, se souvenir que Manchette est un écrivain majeur et que ses livres, qui furent considérés au moment de leur parution, comme des romans noirs plutôt mieux fichus que la production habituelle, se révèlent avec le temps des textes d’une importance grandissante. Un critère très simple peut être proposé :combien d’auteurs de polars relit-on ? Il ne viendrait à personne, espérons-le, l’idée de relire un Carter Brown ou un Marc Lévy, sauf perversion particulière. Se souvenir aussi que Manchette a soumis l’écriture à des tests de résistance inédits, que Manchette est précis comme un enchanteur qui sait varier ses métamorphoses. Fatale ou La position du tireur couché, pour ne citer que deux de ses romans capitaux comme le péché, prendront assez vite place, on peut le parier sans trop de risque, dans les futurs manuels de littérature du vingtième siècle, quand on se sera aperçu par exemple que le Nouveau Roman et les cabrioles de Robbe-Grillet, c’est du Manchette en beaucoup plus ennuyeux et en beaucoup moins audacieux.
Pour ceux qui auraient encore des doutes et croiraient que l’auteur de romans noirs en général, et Manchette en particulier, est juste un forçat de l’Underwood jouant avec les hormones du lecteur en mêlant violence et sexe entre deux cuites au ouisquie, ce Journal couvrant la période 1966-1974 fera exploser le cliché comme une grenade à fragmentation dont les éclats s’appellent le style, la théorie, le sens.
1966-1974, c’est la période où la France des trente glorieuses commence à avoir des doutes de femme célibataire, connaît une crise de nerfs en 68 (le Journal de Manchette, de manière pas si surprenante, montre un intérêt plus que distant pour les événements de Mai) et finit dans la clinique psychiatrique du premier choc pétrolier dont, Folle à tuer, elle n’est toujours pas sortie. Manchette, lui, construit le meilleur de son œuvre. Une œuvre qui va rendre compte de ces temps déraisonnables : bombes à retardement de l’Histoire, désordres mentaux, terrorisme, marchandisation totale du monde. Ce n’est pas toujours un travail facile. L’écrivain n’a pas la froideur des tueurs du Petit bleu de la Côte Ouest ni la merveilleuse arrogance ironique de son écriture romanesque dans son Journal laboratoire. L’écrivain a peur, il doute, il déprime même, comme ce jour de février 70 : « Toute la soirée, nous avons eu une horrible conversation sur mon manque de progrès palpables et notre pauvreté. Je suis désarmé devant ces choses, et je réagis donc par des conduites de fuite, qui vont du retranchement dans la garde-robe à la crise de larmes, en passant par le masque. »
Dans le Journal de Manchette, le sens de l’événement et l’hypocondrie vont de pair. Sous la rubrique « Historiographie », il colle des coupures de journaux (Hegel, une de ses références majeures, disait que la lecture des journaux du matin est la prière du rationaliste), coupures de journaux qui ressemblent de plus en plus aux romans de science-fiction apocalyptiques, comme ceux de John Brunner, dont il est friand. Ainsi, à la date du 3 décembre 1969, mentionne-t-il l’assassinat de Sharon Tate par Charles Manson, tout en se plaignant d’une grande fatigue physique. En même temps, comme il a bon goût, il est pris, en voyant Marguerite Duras à la télévision, d’une « hilarité inexcusable ».
Comme quoi, que ce soit en littérature, en cinéma ou en politique, Manchette se sera assez peu trompé, et son Journal est l’attestation éclatante de cette lucidité.
Journal 1966-1974 de Jean-Patrick Manchette (Gallimard, 640 pages, 26 euros)
Jérôme Leroy
Le Figaro littéraire ( 4 juin 2008)
lundi 28 juillet 2008
Pour vous donner une idée...
Paco Ignacio Taibo II ouvre le festival...
James Sallis, futur auteur Moiss... (nan, j'déconne)
Phoebe Glockner, auteur de comics, et Marc Fernandez, journaliste et auteur Moisson rouge, sous une table de l'hôtel Don Manuel, "pour mieux voir", prétendent-ils, l'écran de l'ordinateur de Phoebe.
Votre éditorialiste préférée avec un auteur qui souhaite rester anonyme...
Marc Fernandez travaille dur avec son ami David Lerma (journaliste)
Une terrasse classique du Don Manuel (on aperçoit au centre Jorge Semprun) à quoi? Trois heures du matin?
Un peu plus sur le festival bientôt car sachez que l'effet Semana Negra est lent à se dissiper. Pour notre plus grand bonheur.
samedi 19 juillet 2008
Exclusivite Moisson rouge...
Alors a defaut des merveilles promises dont les lettres accentuees et les intervious, et puisqu il se passe toujours quelque chose (c est peu de le dire) a la Semana Negra, j ai le plaisir et l honneur de vous annoncer tres officiellement la naissance de la collection Semana Negra Moisson rouge. Elle regroupera des textes choisis par Paco Ignacio Taibo II d auteurs invites a la Semana Negra. Bientot en ligne, une note expliquant l esprit de la Semana Negra dont on verra qu il ressemble fort a celui de Moisson Rouge...
dimanche 13 juillet 2008
Primeras noticias de la Semana Negra
Sur quoi je file au festival mediter sur l ingratitude de la vie d editeur...
mardi 8 juillet 2008
Lire moissonne l'été
Retour à Gijón
vendredi 4 juillet 2008
Le puzzle noir de José Ovejero (Le Monde des livres)
Rares sont les écrivains dont l'écriture impose sa logique et son espace au-delà du goût établi - exactement comme l'Espagnol José Ovejero, que les lecteurs découvriront dans Des vies parallèles, le premier de ses romans traduit en français.
Eloigné de son pays de naissance depuis vingt-cinq ans, Ovejero, voyageur infatigable, a fait du monde entier son territoire littéraire. Ceux qui attendent des sujets spécifiquement "espagnols" seront déçus. Des vies parallèles se passe dans un Bruxelles transformé en carrefour d'intérêts économiques et politiques, mais aussi en bouillon de culture où grouillent ambitions, misères et désespoirs. Bureaucrates et immigrés, anciens tortionnaires et justiciers opportunistes, les personnages de ce roman incarnent une diversité de points de vue qu'Ovejero développe avec maestria comme autant de pièces d'un puzzle composant une réalité qui se cache derrière les apparences.
La suite de l'article de José Manuel Fajardo sur le site du Monde.
José Ovejero, Des vies parallèles, Moisson rouge.
lundi 30 juin 2008
Prière pour Dawn, par Nathan Singer
Nathan Singer joue (dit? vit? en tout cas ne lit pas) un extrait de Prière pour Dawn, à paraître le 25 août 2008. Aperçu d'un livre — et d'un auteur — hors normes...
« JOEY SPITFIRE NE VIT JAMAIS le monde en flammes. Ni les avions percuter les tours du World Trade Center. Il manqua la parano de l’anthrax. Il ne vit jamais les bombes larguées sur l’Afghanistan et partout ailleurs. Il ne vit jamais l’afflux d’escrocs à la petite semaine marqués de petite vérole dans les pénitenciers du pays. Il ne vit jamais les camps d’internement. Les mises en détentions. Les interrogatoires. Les tribunaux. Il ne vit jamais cette guerre absolument nécessaire et absolument impossible à gagner. Une guerre sans fin. Il vécut dans un monde d’une futilité insensée. Un monde qui n’avait pas perdu son sang-froid. Un monde froid. Le monde de l’ironie qui sonne creux. Il mourut avec ce monde-là. »
Dans ce monde chaotique, au milieu d’adultes à la dérive, jaillit la voix innocente de la petite Dawn, neuf ans, dont la vie bascule le jour où son père est accusé d’incitation à la pédophilie.
Roman choral, fresque noire et poétique, Prière pour Dawn est le portrait hanté d’une Amérique qui perd ses illusions en même temps qu’une enfant.
Romancier, musicien et performer, Nathan Singer, trente ans, vit à Cincinnati. Prière pour Dawn est son premier roman.
Traduit de l'anglais par Laure Manceau, 18 euros
vendredi 20 juin 2008
Ce soir on regarde la télé...
... et on se branche sur "Tracks" (Arte, 22 h 35), qui diffuse l'interview de Kriss Vilà réalisée à l'expo "Des jeunes gens modernes".
Pour en savoir plus c'est par ici.
dimanche 15 juin 2008
Mise en bouche : le début d'Une saison de scorpions
Devant moi, la route serpentait légèrement et retrouvait aussitôt sa forme de reptile paresseux. Le jour commençait à poindre, un vrai cadeau après avoir conduit plus de quinze heures depuis l’autre extrémité du pays.
Quelques heures auparavant j’éclusais des bières au Caracol, un petit bar de routiers dans le centre de Monterrey, le genre d’endroit où les chauffeurs de poids lourds viennent impressionner leurs frères cadets des taxis et des minibus avec un tas d’histoires routières.
Je prenais un peu de repos. Ça faisait quelque temps déjà que je ne travaillais plus. Et ne le voulais pas.
J’avais fait des bricoles. Garde du corps d’un chef d’entreprise à Morelia, videur dans un téibol de Reynosa. Que des conneries.
Je me faisais vieux ; dans ce genre de travail, les croulants n’ont pas leur place.
Ça faisait deux jours que j’étais dans la Pensión de la Jefa, à deux blocs de la Macroplaza, là où les nouveaux riches n’ont pas encore réussi à remplacer le vrai visage de la ville par cette face de gringa fardée qu’ils veulent lui imposer.
- Qu’est-ce que tu fabriques, Güero ma fripouille ? elle m’a lancé en me voyant entrer.
- Vous voyez, Jefita, je m’balade.
Je venais de Lerdo. De chez moi. Des potes qui possédaient des coqs de combat m’avaient demandé de les accompagner à la foire de San Marcos. Parce que c’était lui. « Simple précaution, Güero, on n’sait jamais », m’a dit le Checo.
Simple précaution.
Je le connaissais depuis tout petit. Nous avions grandi ensemble. Il était marié avec la Lola. C’est ce qui l’a calmé. Sinon, il serait déjà mort.
Ils s’étaient embarqués dans cette affaire de coqs après leur mariage. Il leur arrivait de gagner beaucoup d’argent. Parfois, ils perdaient tout. La dernière fois, ils avaient fait l’acquisition d’une maison close, dans le centre de Lerdo.
« Mais faut pas toucher à la marchandise, Checo mon cochon », lui disait Lola. Le couillon se marrait. Lola vivait sur place pour s’occuper du Négoce.
Avec mon petit camarade on ne sait jamais. Surtout quand il est beurré. C’est comme ça qu’un jour, à cause de ses conneries, nous avons dû nous tirer d’Aguascalientes en quatrième vitesse.
Il s’est mis à picoler avec des narcos. Et ils ont commencé à taper le carton.
- Eh, mon pote, t’es en train de jouer avec le feu, je lui ai dit.
- Cette partie je la gagne, mon collègue, tu vas voir, il m’a répondu déjà à moitié bourré.
- Mais t’es con ! tu as déjà perdu la chignole.
- Avec celle-ci je vais me refaire, Güero, m’emmerde pas.
Je me voyais déjà retourner à Lerdo en stop. C’était la maison close de Checo contre la poule du narco.
- Fais pas le couillon, mon pote !
- Oh, la ferme et vise ça.
Il a abattu un huit. Le narco un as. Le jeu est pour le Checo.
C’est alors qu’ils nous sont tous tombés dessus.
Tout en grognant il a fallu que je sorte la pétoire.
J’ai bien dû descendre deux de ces enfoirés. C’était eux ou nous. Dans la cantina les mecs se sont écartés illico. On en a profité pour prendre la fuite.
- Sacré Güero, je t’en dois une… a balbutié le Checo dans la chignole, une fois dissipées les vapeurs des vingt bières et du litre de tequila. On venait de dépasser Sombrerete.
- Tu m’en dois plusieurs, crapule.
Quand Lola a ouvert la porte, à Lerdo, elle m’a fait une tronche comme si c’était moi qui étais beurré. Ça m’a mis en boule et j’ai lâché la masse du Checo qui a atterri par terre comme un cochon mort.
- Je te l’laisse là, je lui ai dit tout en allumant un Príncipe. Aujourd’hui il a fait très fort dans la connerie.
Il y a des types comme Checo qui s’en tirent à tous les coups, quoi qu’ils fassent, il y a toujours quelqu’un pour sauver leur peau. Il y a toujours une femme qui les attend à la maison.
Et il y a des connards comme moi.
Avec l’argent que mon pote m’a refilé je suis allé à Monterrey. Je voulais passer quelques jours incognito à la Sultana, en attendant que mes macchabées refroidissent. En passant, je comptais me farcir une belle épaule d’agneau.
Mais putain, je n’ai même pas pu aller au « Rey del Cabrito » parce que je me trouvais encore au Caracol quand j’ai vu entrer un gamin crasseux, la vraie fripouille. Un ramassis de vices. Il y en avait de plus en plus des comme lui dans les grandes villes. Dans les petites aussi.
Il n’a pas hésité, il s’est dirigé à ma table et s’est assis. Comme ça, sans rien demander, avec des yeux de dingue total.
- Eh, c’est quoi ça…, je lui ai dit. J’aurais pu lui briser la nuque d’une seule main.
- Güero, le chef il t’cherche.
- J’ai pas de turbin, et de patron encore moins, j’ai dit, avant de m’envoyer la dernière gorgée de ma Tecate.
- Fais pas l’con, Güero. Celui qui t’cherche c’est le Señor.
Le Señor. Ça, c’était différent.
Me voyant changer d’expression, il a souri, montrant des gencives rouges pleines de dents pourries. Puis il m’a tendu un téléphone portable.
- Güero ? le mot claqua à l’autre bout de la ligne.
Aucun doute possible. C’était lui.
- A vos ordres, Señor.
- Où vous étiez, Güero, mon salaud ?
- Chez moi, patron, sur la tombe de ma p’tite vieille. En ce moment je suis à Monterrey.
- Ah, ce sacré Güero ! Et bon fiston avec ça. C’est ce qui me plaît chez vous, espèce de canaille.
- Et vous, Señor ?
- Moi ! je suis toujours à Topochico, mais un jour je vais me faire buter par ces connards. Heureusement, j’ai réussi à faire sortir ma famille du pays.
- Heureusement.
- Ecoutez, mon petit, à ce propos j’ai un petit travail dans les pattes, le genre de truc que vous seul savez bien faire…
J’ai senti un fourmillement dans les doigts.
- … si je suis ici, justement, c’est à cause d’un salopard qui bénéficie d’un dispositif de protection de témoins. Chaque fois qu’un nouveau procureur se pointe, ils jouent les très honnêtes et, illico, ils pensent qu’à une chose : copier ces putains de gringos. Connards, là-bas ils sont plus corrompus qu’ici.
- Oui, Monsieur.
- Qu’est-ce vous en dites, mon p’tit Güero ? Vous êtes preneur ?
J’ai hésité.
- Je suis en train de me retirer, patron. Pourquoi vous n’appelez pas Tamés et le Gros ?
- Pour le travail, y a personne comme vous, Güero.
J’ai eu peur. Avec ces types, on ne refuse pas un boulot aussi facilement. J’ai avalé ma salive et j’ai dit :
- Vous connaissez mes conditions, Señor.
- Je sais, je sais. Votre avance, mon p’tit, c’est Eusebio qui l’a, le gamin qui vous a donné le téléphone. Avec, il y a une photo et les informations.
Le gosse m’a tendu le tout dans une enveloppe.
- C’est plus que le tarif habituel, Señor, je lui ai dit, après l’avoir palpée rapidement, beaucoup plus.
- Ce boulot je vous le paye triple, mon p’tit Güero. Disons que c’est pour votre retraite.
J’ai soupiré, soulagé.
- Merci, patron.
Un silence sur la ligne, puis Señor a ajouté :
- Je vais vous regretter, sacré Güero. Et maintenant, foutez le camp avant que le message s’autodétruise dans trente secondes. Gardez le portable, mon numéro est le premier dans la mémoire.
- Le message s’auto… ?
Il avait déjà raccroché quand le gamin a tiré un flingue. J’ai tout d’abord pensé que c’était un piège. Un règlement de comptes. « Güero pauvre con, tu t’es fait entuber, il t’a eu aux sentiments », je me suis dit, mais quand j’ai vu qu’il pointait le pistolet sur sa tête sans cesser de rire comme un imbécile, avec ses dents pourries et ses yeux injectés de sang, j’ai compris le truc du message qui s’autodétruirait dans trente secondes.
Comme je sortais, j’ai entendu les entraîneuses pousser des cris. Puis le coup de feu. « Avec tout le respect que je vous dois, Señor, quel sens de l’humour à la con », j’ai murmuré à haute voix tandis que je me perdais dans les rues, croisant les gens qui venaient s’agglutiner devant les portes du bar pour voir le dernier macchabée de la ville.
[La suite en librairie]
Bernardo Fernandez, Une saison de scorpions, Moisson rouge/Alvik, 14 euros